Pierre Pestieau
Qui en Wallonie se souvient encore d’Alfred Sauvy, à part quelques rares démographes ?
Et pourtant il fit en Belgique la une de tous les journaux et son rapport donna
lieu a de nombreux colloques il y a 53 ans. Tout cela date. Il est mort en 1990
à l’âge canonique de 92 ans, âge respectable pour
quelqu’un qui toute sa vie fut obsédé par le phénomène du « vieillissement
démographique », expression dont il serait le créateur.
C’est en effet, en 1962, face au déclin wallon que le
Conseil Economique
Wallon lui a demandé son avis ; il était alors professeur au Collège de
France, directeur de l’Institut National d’Etudes Démographiques, spécialiste
de renommée mondiale. Il devait rédiger un rapport d’une cinquantaine de pages,
qu’il conclut par les mots suivants « Un pays où dominent les vieux, un
pays qui ne renouvelle pas ses cellules, ne peut prétendre jouer un rôle
convenable dans une époque où jaillit de toutes parts le progrès et où s'élève
une concurrence plus vive encore et moins limitée que celle, déjà sévère, du
XIXème siècle ». Dans son rapport, Alfred Sauvy va longuement plaider pour
que soit restauré un dynamisme démographique suffisant grâce à une politique de
soutien de la fécondité s’accompagnant d'une immigration de type familial. Il préconise
d’accroître notablement l’aide accordée aux deuxième et troisième enfants en
Wallonie et recommande ainsi une régionalisation des politiques familiales. A l’époque,
les Flamands et les partisans de la Belgique unitaire se sont opposés à cette
différenciation des allocations familiales, au prétexte que tous les Belges
sont égaux.
Que reste-t-il de ce rapport ? Il y a bien sur la régionalisation de
la politique familiale qui est à l’agenda des partis séparatistes. Mais à part
cela, il reste beaucoup d’interrogations et peu de réponses. On ne peut pas
dire que notre politique d’immigration soit une réussite quand on voit le
manque d’intégration de tant de jeunes. Quant au vieillissement proprement dit,
il doit être traité avec prudence. Il peut venir de deux causes distinctes,
aux conséquences différentes, à
savoir une baisse du taux de fécondité et un allongement de la vie. La baisse
de la fécondité est un phénomène passager alors que la baisse de la mortalité
semble s’inscrire dans la durée. La baisse de la fécondité peut avoir un impact
sur l’équilibre des finances publiques avec l’augmentation des dépenses de retraites
et de santé en particulier. L’allongement de la vie, pour autant que la santé
évolue de pair, ne devrait avoir aucun effet si la société acceptait de relever
l’âge du départ à la retraite. Or en
Belgique notre vieillissement est pour l’essentiel dû à l’allongement de la
vie.
Quant à l’impact économique direct, il semblerait que le vieillissement
soit plutôt favorable à la croissance dans la mesure où il appelle à une
augmentation de l’investissement. Sur le plan concret, il existe deux économies
qui plus que les autres souffrent du vieillissement au point de voir leur
population décroître. Ce sont l’Allemagne et le Japon. L’Allemagne réussit
plutôt bien et le Japon connaît aujourd’hui une certaine reprise. Quant à la
Wallonie, elle n’a suivi le conseil de Sauvy qu’à moitié.
Certes le taux de vieillissement y est plus bas qu’en Flandre, pas tellement
parce que l’on y fait plus d’enfants mais parce que l’on y meurt plus tôt.
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