mardi 10 novembre 2015

Le grand n’importe quoi

Pierre Pestieau

Jeudi 5 novembre. Deux articles parmi ceux que je parcours
rapidement dans les journaux me font sursauter. Le Soir publie un article qui annonce dans son titre « Les taux de fécondité européens chutent. La Belgique est touchée, mais la Flandre se redresse ». Et d’ajouter « La meilleure forme de l’économie flamande couplée à la régionalisation récente de la politique familiale ne sont sans doute pas étrangères au meilleur taux de fécondité de la Flandre ». Le New York Times lui consacre un de ses articles éditoriaux à une communication de deux économistes de Princeton, Anne Case  et Angus Deaton, qui vient de recevoir le prix Nobel d'économie (1). Leur communication porte sur l’augmentation rapide des taux de mortalité des Américains blancs non qualifiés et d’âge mur (midlife). Ce serait là un fait nouveau qui contraste avec l’augmentation continue de la longévité dans les autres groupes d’âge, dans les autres groupes raciaux et ethniques, et dans les autres pays. Bref une désolante spécificité américaine. Les auteurs observent que cette hausse surprenante des taux de décès s’expliquerait non pas par les facteurs traditionnels que sont les maladies cardiaques et le diabète, mais par une épidémie de suicides et de maladies découlant de la toxicomanie (cirrhoses du foie, surdoses d'héroïne et prescription d’opioïdes).

Pourquoi réagir ?


L’article du Soir présente le phénomène comme étant tout récent alors que les données sur lequel il s’appuie datent au mieux de 2013. Plus important, il y a l’explication : la fécondité serait liée aux conditions économiques et aux politiques familiales. Les démographes nous expliquent depuis la nuit des temps que rien n’est plus difficile que d’expliquer la fécondité. La France connaît une véritable stagnation économique et une réduction de la générosité de ses politiques familiales. Elle reste pourtant en tête des pays européens pour sa fécondité.  L’article du New York Times nous apprend une nouvelle que l’on connaît depuis de nombreuses années. Il y a deux ans j’ai même consacré un blog à cette tragédie soulignant qu’on ne lui trouvait pas d’explication convaincante. Je faisais alors écho à une série d’articles (2) signalant qu’aux Etats Unis les femmes blanches sans formation connaissaient un taux de mortalité supérieur de 66% à la moyenne nationale. Leur longévité avait dramatiquement baissé au cours des dix dernières années (2). Case et Deaton  apportent une explication mais elle me semble partielle. Comme pour la fécondité, la mortalité s’explique par les conditions sociologiques et psychologiques des personnes concernées. Quand on a dit cela, on a tout dit et rien dit a la fois.



(2) http://www.mintpressnews.com/why-are-uneducated-white-women-dying-sooner/168378/ and http://www.medicaldaily.com/uneducated-white-women-us-have-66-higher-mortality-rate-246356

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