jeudi 26 novembre 2015

Maxime Rodinson et Amin Maalouf : Même combat à 28 ans de distance

Victor Ginsburgh

Voici ce que vient d’écrire l’écrivain franco-libanais
Amin Maalouf
Amin Maalouf, auteur des Identités meurtrières :

« Après chaque attentat, on se demande, avec angoisse, quand le cauchemar va s’arrêter enfin. Mais, dans la mesure où ces actes ont leur origine dans la désintégration politique et morale de plusieurs pays arabes et musulmans, il serait peu réaliste d’espérer que cette démence se révélera passagère. La tragédie est si ample et si profonde qu’il faudra des décennies pour la surmonter. Personne, dans ma génération, n’en verra le bout » (1).

Je crois entendre presque mot pour mot la réponse que
Maxime Rodinson
m’a donnée en 1987, il y a 28 ans, un certain Maxime Rodinson que beaucoup d’entre nous ont malheureusement oublié.

Je sortais ce jour-là d’une conférence que nous avions organisée à la mémoire de Marcel Liebman, professeur de science politique à l’Université Libre de Bruxelles, décédé en 1986. J’avais été chargé, à l’issue de la conférence, de conduire Maxime Rodinson à l’aéroport, où il avait un vol pour Paris [c’était bien avant le TGV] et nous devisions en route.

Rodinson et Liebman avaient tous deux bu au biberon marxiste et leur critique politique, sociologique et historique en était imprégnée. Ils étaient tous deux Juifs, non religieux ni croyants évidemment, et étaient tous deux opposés à la politique israélienne de l’époque, qui était bien plus tendre que ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Rodinson était un spécialiste du Proche Orient et de l’Islam (2). Liebman s’intéressait plutôt aux grandes figures du marxisme et du léninisme et aux problèmes de la classe ouvrière belge (3).


A la question que j’avais posée à Rodinson: « Vous êtes un grand spécialiste du monde arabe et musulman. Que va-t-il nous arriver ? », j’ai reçu la réponse suivante qui me bouleverse encore aujourd’hui, et que je n’oublierai sans doute jamais : « Je suis trop vieux pour le voir [il avait à l’époque 72 ans] et peut-être vous non plus ne le verrez pas [j’en avais à l’époque 48], mais vos enfants ne vont pas rigoler. »

Pour m’assurer que je n’ai pas rêvé les paroles de Rodinson, j’ai retrouvé une interview qu’il a donnée à Gilbert Achcar (4) en 1986, un an avant notre brève rencontre. En voici un bref extrait : « Le fondamentalisme islamique est un mouvement temporaire, transitoire, mais il pourrait durer 30 à 50 ans. Les fondamentalistes continueront à dominer la période pour longtemps » (4).

Entre 1986 et 2015, le France a eu droit à 9 ans de Mitterand (1986-1995), 12 ans de Chirac (1995-2007), 5 ans de Sarkozy (2007-2012) et enfin, 3 ans de Hollande (2012-2015). En Belgique, à Molanbeque comme disent les Français, nous avons, nous aussi, eu droit à 20 ans de maïorat du socialiste Philippe Moureaux (1992-2012) qui très élégamment défausse ses responsabilités sur sa successeure entrée en fonction en 2012 (5).

Certains d’entre eux avaient sans doute lu Rodinson, mais ne l’avaient pas cru ou ne savaient pas ce qu’il fallait faire et il en sera de même de leurs successeurs qui liront peut-être aussi Maalouf, mais une fois les alertes passées, vaqueront à leurs occupations habituelles. Ce qu’il faut faire est bien sûr loin d’être évident et nous attendons plus qu’un intempestif « nous sommes en guerre » ou une déclaration de non responsabilité « c’est pas moi, M’sieur, mais l’autre ». C’est pour cela que nous élisons nos dirigeants.

Nous ne vivons cependant pas, comme le suggère ce cher nouvel académicien français,  Alain Finkielkraut, « la fin de la fin de l’histoire » (6).

Mais en tout état de cause, nos enfants ne vont pas rigoler, ni au Proche Orient, ni en Afrique, ni en Europe.



 (1) Amin Maalouf, Personne dans ma génération n’en verra le bout, Le Point, 19 novembre 2015 http://www.pressreader.com/france/le-point/20151119/282501477533433/TextView

(2) Auteur de Islam et capitalisme, Paris: Seuil, 1966, réédition 2014; Mahomet, Paris : Seuil, 1968; Les Arabes, Paris : Presses Universitaires de France, 1979; L’Islam : politique et croyance, Paris : Fayard, 1993.

 (3) Auteur de La Révolution russe. Origines, étapes et signification de la victoire bolchévique, Verviers: Marabout Université, 1967; Le Léninisme sous Lénine, Paris: Seuil, 1973; Les Socialistes belges : 1885-1914, Bruxelles : Vie Ouvrière, 2 volumes, 1979 et 1986; mais aussi de Né Juif : Une famille juive pendant la guerre, Bruxelles: Labor, 1977.

(4) Gilbert Achcar est un chercheur, écrivain de gauche, pacifiste, né au Liban et vivant en Europe depuis 1983, en France d’abord, en Allemagne aujourd’hui. L’article dont je cite un extrait est intitulé Maxime Rodinson on Islamic ‘Fundamentalism’, An upublished interview with Gilbert Achcar, http://www.merip.org/mer/mer233/maxime-rodinson-islamic-fundamentalism

(5) Voir l’article de Nicolas de Decker sur les propos récents de ce grand socialiste, abreuvé de Marx et de Braudel, Une certaine idée de l'élégance, Le Vif, 17 novembre 2015 http://www.levif.be/actualite/belgique/philippe-moureaux-une-certaine-idee-de-l-elegance/article-opinion-434335.html


(6) Le Soir, 23 novembre 2015.

4 commentaires:

  1. Cela fait 20 ans que je rép!te comme le viuex caton la même phrase noyte temps moins 632 cela nous amène à l'pouqe des cathares et des débuts d el'Inquisition. Les religions ont une coube de vie avec ses périodes d'intolérance totale. l'Islamy est entére et cela s'appelle l'isamisme comme on a aprlé e la croisade des Albigeois. Le prolème n'est pas dans les hommes mais dans ce que le systèmes des clercs en font et cela, au fil des âges, est incontrôlables. Chez nous, en plus, on adécidé de ne pas contrôler, niant comme une naïveté les remarques sur la courbe es religions exposés ci-dessus. Nous sommes responsables de notre aveuglement et nous avons créé les conditions d'un épanouissement des ressentiments..
    Pauvres enfants : ils peuventa voir honte d enous.;

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  2. Cela fait 20 ans que je rép!te comme le viuex caton la même phrase noyte temps moins 632 cela nous amène à l'pouqe des cathares et des débuts d el'Inquisition. Les religions ont une coube de vie avec ses périodes d'intolérance totale. l'Islamy est entére et cela s'appelle l'isamisme comme on a aprlé e la croisade des Albigeois. Le prolème n'est pas dans les hommes mais dans ce que le systèmes des clercs en font et cela, au fil des âges, est incontrôlables. Chez nous, en plus, on adécidé de ne pas contrôler, niant comme une naïveté les remarques sur la courbe es religions exposés ci-dessus. Nous sommes responsables de notre aveuglement et nous avons créé les conditions d'un épanouissement des ressentiments..
    Pauvres enfants : ils peuventa voir honte d enous.;

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  3. Mon fondamentalisme, ce serait plutôt: "Oser penser par soi-même"-j'ai dû lire ça quelque part chez Kant-, et c'est peu compatible avec "Soumission à la volonté du Très-Haut".
    Un dialogue "inter-fondamentaliste" est-il possible ?

    Alain Tonnet

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  4. je suis aussi inquiet pour nos enfants, les fondamentalismes ont eu la porte ouverte suite à la décolonisation normale, qui n'a pas tourné comme elle aurait pu. Des méfaits de la colonisation, je souffre encore et pas que moi! un ami d'Algérie a écrit un livre réunissant de petits textes s'appelant: "l'écartèlement algérien", le titre est juste. Et je ne peux citer tous les journalistes-écrivains en Algérie qui dénoncent ce fondamentalisme salafiste qui nous pourrit la vie avec la complicité de nos gouvernements trop impliqués dans le pétrole et sa rente.
    Je voudrais finir sur une note optimiste: je ne trouve que Allah'Akbar!

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