Victor Ginsburgh
Baiser Cartier Bresson |
Je viens de lire un article dans le très sérieux American Journal of Medicine (1) sur la philématologie, qui est la
science des embrassades amoureuses et autres. On y apprend des choses
extraordinaires qu’on a sûrement tendance à oublier avec l’âge. Joseph Alpert, rédacteur
en chef de la revue et auteur de l’article, annonce des détails anatomiques,
neurophysiologiques, épidémiologiques et cliniques, qui reposent sur des
sources scientifiques et semblent à peu près toutes très sérieuses, puisque
certaines ont été glanées dans le Journal of Infectious Diseases, d’autres
dans le Journal of Infectious Chemoterapy, ou le Journal of Psychosomatic Research. De
quoi se réjouir et d’essayer d’embrasser bien.
Commençons par les bonnes nouvelles. Embrasser fait appel à une série de
muscles faciaux, dont le orbicularis oris
(situé autour de la bouche et des lèvres) est le plus important. On pouvait
évidemment s’y attendre, et je suppose que vous saviez tous cela. Des baisers
simples utilisent deux muscles seulement et brûlent 2 à 3 calories. Pas question
de maigrir en embrassant, sauf à faire mille baisers (3 000 calories
brûlées !), mais ça c’est plus souvent ce qu’on écrit dans les lettres, ce
qui ne brûle que 0,5 calorie et fait mal aux doigts quand c’est manuscrit, ce
que devrait naturellement être le cas dans une lettre d’amour. Un email
consomme zéro calorie, jetez votre PC, il ne vaut rien, et en le jetant, vous
brûlez des calories.
Mais on peut faire mieux en étant passionné, ce qui fait intervenir 23 à 24
muscles faciaux et jusqu’à 112 muscles posturaux (du bassin, de la colonne
vertébrale, des épaules et des abdominaux). Coût : 5 à 28 calories par
minute. Pas si mal, d’autant plus que cela permet d’éviter des rides, alors que
la course à pied, bof.
Baiser Hulton Getty |
Pendant qu’ils s’embrassent, les acteurs du couple échangent 9 millilitres
d’eau, 0,7 mg de protéines, 0,18 mg de composants organiques, 0,71 mg de
diverses graisses et 0,45 mg de chlorure de sodium. Mais aussi 10 millions à un
milliard de bactéries de 278 espèces différentes, dont seulement 95 pourcent
sont non pathogènes pour autant qu’on supporte le partenaire, sans quoi c’est
pire. Je ne vous donne pas les noms des virus contenus dans ces cinq pourcent,
vous risquez de ne même plus donner le moindre bisou. Ce qui serait dommage,
parce que…
Les lèvres sont 100 à 200 fois plus sensibles que le bout des doigts et le
baiser augmente sensiblement les endorphines et la dopamine. Ces modifications
dans le système nerveux central accélèrent le rythme cardiaque et la pression
sanguine. Mais on s’en fout, y’a des médicaments pour soigner ça. Par contre, l’augmentation
de salive qu’engendre le baiser réduit la chute des dents et augmente la durée
de vie.
Mince alors ! Faut que j’en parle à mon co-blogueur Pierre Pestieau, qui
verra avec plaisir une diminution des dépenses de santé, encore que les maisons
de retraite se rempliront de vieux qui voudront encore plus baiser, pardon,
plus de baisers. Faut pas mélanger les choses, quand même.
(1) J. Alpert, Philematology : The science of kissing, The American Journal of Medicine 126(6),
p. 466, 2013 http://www.amjmed.com/article/S0002-9343(13)00186-1/fulltext
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