Pierre Pestieau
Il est sans nul doute utile de rêver à une société
meilleure et d’imaginer des utopies qui nous rendent le présent moins amer. Il
faut cependant se méfier de trop jouer l’utopie car elle conduit souvent au
statu quo. Dans la mesure où elle n’est pas réaliste, on ne perd rien à y
adhérer même au cas où si par miracle elle se réalisait, on en serait les
premières victimes. Je prendrai deux exemples de propositions louables mais
totalement irréalistes. Elles reviennent régulièrement tels des marronniers
pour précisément empêcher des réformes plus modestes mais réalisables.
Le premier exemple est celui de l’allocation universelle.
Le concept du revenu de
base, souvent appelé allocation universelle, n'est pas une idée nouvelle. C'est
un concept qui a pour but de donner à chaque citoyen un droit universel,
individuel et inconditionnel visant à couvrir les besoins essentiels, afin de
garantir à chacun une vie digne et la participation de tous dans la vie en
société. Certains y voient une solution à tous les problèmes du moment :
chômage, précarité, robotisation des tâches, violence sociale, marginalisation.
Une vraie panacée. Pourquoi pas ?
Le problème est qu’une telle mesure n’est
pas finançable à moins de la réduire à une allocation de quelques centaines d’euros
qui de ce fait perdrait toutes ses vertus. Pour être sérieux, il faudrait
qu’elle se monte à 800 euros au moins, ce qui n’est pas finançable surtout dans
la période d’austérité budgétaire que connaissent nos démocraties. Il ne faut
pas oublier que, contrairement à ce que l’on lit parfois, beaucoup de dépenses
sociales ne pourront être remplacée par cette allocation universelle : c’est
le cas de la santé, l’éducation, les retraites complémentaires, l’invalidité
sans parler de tous les autres biens publics.
En attendant, on en discute et on s’éloigne
de ce qui me semble prioritaire et réalisable, à savoir une reforme de la fiscalité
qui soit davantage juste et efficace.
Dans un domaine connexe, quand on se plaint
de la concurrence fiscale et du dumping social, il est courant d’entendre des
appels à une meilleure coopération européenne, à une politique sociale intégrée,
à une imposition du capital qui soit européenne voire mondiale. Ce sont là des
déclarations louables mais qui s’avèrent stériles. On oublie l’essentiel qui
est de réaliser dans les limites des frontières nationales ce qui est
parfaitement faisable. Un simple exemple. Ceux qui se plaignent des
conséquences désastreuses de la mondialisation sur les finances publiques, ne
font rien pour empêcher la concurrence fiscale entre les différentes entités
subnationales. C’est ce qui se passe en Belgique avec les droits de succession
qu’il aurait fallu maintenir fédéraux et qui maintenant régionalisés connaissent
une lente érosion. En cette période d'austérité, une telle mesure est-elle raisonnable?
Mais comme je l’ai déjà dit, ces cris
d’orfraie sont parfois parfaitement hypocrites. Ne pas réformer le système
fiscal ou le fragiliser en le décentralisant arrangent tous ceux qui trouvent
que tous les moyens sont bons pour réduire l’efficacité de l’Etat. Les libéraux
n’aiment pas les systèmes fiscaux efficaces ; ils impliquent souvent des
dépenses qu’ils jugent excessives (1). Ils se réjouissent donc en silence de la
fraude et de l’évasion fiscale ainsi que de la concurrence fiscale qui conduit
au moins taxant.
(1) Becker, Gary & Casey Mulligan
(2003). "Deadweight Costs and the Size of
Government," Journal of Law and Economics, 46(2), 293-340.
L'"allocation universelle" est sans doute à ranger dans la catégorie des "fausses bonnes idées", des bonnes idées, certes, mais dont la mise en oeuvre conduirait à une situation encore plus catastrophique que le "statu quo".
RépondreSupprimerA.Tonnet
Dulce ilusión que vendrá después de la resurrección de los cuerpos.
RépondreSupprimerDulce ilusión que vendrá después de la resurrección de los cuerpos.
RépondreSupprimerCon todo pagado en certificados del Cielo
SupprimerAT