Pierre Pestieau
Plutôt que le titre d’une chanson de Dalida, j’aurais pu prendre comme
titre de ce blog cette maxime chiraquienne: les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Lors d’un récent
colloque portant sur la dépendance, j’en appelais au développement d’une
assurance sociale autonomie qui soit dans son ambition et son étendue aussi
généreuse pour les personnes dépendantes que ne l’est l’assurance santé pour
les malades. Les raisons sont connues; avec le vieillissement démographique, le
nombre de personnes susceptibles de perdre leur autonomie ne cesse de croitre;
il devrait doubler dans les prochaines décennies. Or dans ce domaine, il
n’existe pas de marché d’assurance digne de ce nom en Belgique et la famille
qui est le principal pourvoyeur de soins à la dépendance semble atteindre ses
limites.
Il me fut objecté que la Wallonie allait tout prochainement se doter d’une
telle assurance, suivant en cela les traces de la Flandre qui disposerait d’une
assurance dépendance depuis plus de dix ans. Ce programme devrait voir le jour le 1er janvier 2017. Par le biais des mutuelles une
cotisation générale obligatoire serait instaurée, elle serait payée par chacun
a l’exception des mineurs d’âge. Son montant serait équivalent à ce que les Flamands
paient, à savoir 50 euros.
Il y a de nombreuses années que l’on
bassine l’opinion avec la promesse de développer une assurance dépendance. Ce
n’est pas propre à la Belgique. Nicolas Sarkozy avait promis une assurance qui
prendrait en charge ce qu’on appelait le cinquième risque, terme qui évoque un
épisode de Blake et Mortimer bien plus que la perte d’autonomie. Depuis lors,
silence plat. L’état des finances publiques françaises ne permet plus d’évoquer
sérieusement le sujet.
Malheureusement, l’état des finances
publiques wallonnes n’est guère meilleur et on doit dès lors anticiper que
toute proposition d’une assurance dépendance ne pourra pas être à la hauteur de
l’enjeu. C’est le cas de cette annonce.
Quelques chiffres. Avec une cotisation
de 50 euros, il est difficile de penser que l’on pourra verser plus que des
clopinettes aux personnes dépendantes dont le nombre devrait plus que doubler
dans les prochaines décennies. Or le prix des maisons de retraite et de soins (en France on parle de maison de retraite
médicalisée, communément appelée Ehpad (1)) continue d’augmenter. On l’évalue
actuellement quelque 1300 euros par
mois et ce, après intervention de l’INAMI. En d’autres termes le coût total
serait de quelque 2600 euros par mois.
Ajoutons à cela que ce prix correspond
à un hébergement basique, avec des chambres qui par leur frugalité évoquent des
cellules de moine. Pour plus d’espace, il faut payer davantage. En outre ce
prix de 1300 euros ne couvre pas les inévitables suppléments qui ne sont pas
des extras : certains médicaments, coiffure, sorties, abonnements,
cadeaux,… Ce qui nous conduit à une somme de plus de 1500 euros, qui dépasse le
montant de la retraite que touchent la plupart de Belges. Bien sûr, il y a
toujours la possibilité pour ceux qui possèdent un bien immobilier de le
réaliser, mais cela peut être insuffisant et veut dire qu’ils n’ont plus rien à
transmettre à leurs enfants.
En fait, si l’on voulait développer une
véritable assurance dépendance, il faudrait d’abord une cotisation nettement
plus élevée que les 50 euros dont il est question. En outre il faudrait lui
donner une structure fort différente de ce que l’on connaît aujourd’hui, à
savoir le versement d’une somme forfaitaire modique chaque mois. L’idéal serait
de suivre la prescription de l’économiste américain, Kenneth Arrow, sans doute
le meilleur de sa génération. Pour Arrow, l’assurance optimale devrait couvrit
la totalité des coûts de la dépendance au-delà d’un certain plafond, ce qu’on
appelle une franchise. Cette franchise pourrait s’exprimer en mois de soins à
la dépendance ou de coût d’une maison de retraite médicalisée. Elle permettrait ainsi à tout
un chacun de garder un certain patrimoine à transmettre à ses enfants ou
éventuellement à une cause humanitaire ou une fondation scientifique.
(1) Ehpad
signifie « établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ».
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