jeudi 28 avril 2016

Retour sur Uber


Pierre Pestieau

J’ai déjà eu l’occasion de dire tout le mal que je pense de l’économie collaborative et d’une de ses entreprises emblématiques, Uber. En un mot, les activités d’Uber échappent au contrôle fiscal et règlementaire auquel sont astreintes les entreprises ayant pignon sur rue, en l’occurrence les taxis. Certes, on reconnaissait à la société la qualité de mettre à mal le monopole des taxis, les forçant ainsi à baisser leurs prix et adopter une attitude plus courtoise. Mais le bilan me paraissait plutôt négatif.
Au cours de ces dernières semaines, je leur ai découvert deux vertus insoupçonnées. Il y aurait d’abord la sécurité que les transports Uber offrent par rapport aux taxis traditionnels, particulièrement dans certains pays d’Amérique Latine. En prenant Uber, les gens évitent les risques que courent les passagers dans certaines parties du continent, à savoir les enlèvements express connus comme tour du millionnaire (en espagnol Paseo millonario). Ces risques impliquent un passager de taxi innocent et un chauffeur criminel. Celui-ci s’arrête pour ramasser des associés. Le passager est emmené devant une série de distributeurs automatiques de billets et forcé d’en tirer le montant maximum autorisé. Avec Uber aucun risque de ce type.


Par ailleurs, il semblerait qu’en France en tout cas, Uber a permis à une population plutôt jeune et issue de zones défavorisées de trouver du travail (1). Beaucoup de conducteurs ont moins de 30 ans et viennent de lieux particulièrement touchés par le chômage. Ils sont le plus souvent issus de l’immigration et se sont heurtés jusqu’alors à la discrimination. Uber est ainsi présenté comme vecteur d’intégration et si cela était avéré on ne pourrait que s’en réjouir (2).

Voilà deux bonnes nouvelles qu’il faut cependant prendre avec prudence. Il existe des compagnies de taxis qui ne travaillent que sur réservation et qui évitent aussi sûrement qu’Uber d’être enlevé et forcé de vider ses comptes. Quant au facteur d’intégration, il est sans doute trop tôt pour faire un bilan, d’autant que les rares études existantes semblent avoir été commanditées par la société elle-même. Pour juger de sa capacité à intégrer une population peinant à trouver du travail, il faut attendre. Un certain de nombre de ces jeunes a dû s’endetter pour s’acheter un véhicule et les risques financiers ne sont pas négligeables.

Trop tôt pour voir en Uber l’instrument suprême de la lutte contre la criminalité et le djihadisme.





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