mercredi 31 mai 2017

Trump redécouvre la courbe de Laffer

Victor Ginsburgh

Notre Donald est devenu international (international en américain) depuis son incroyable (unbelievable, amazing, fantastic, great) tournée de la semaine dernière pendant que quelques-uns de ses esclaves préparaient le budget à Washington.

Figure 1. La vraie fausse courbe de Laffer, dommage pour la serviette
Le titre d’un article du NYT (1) paru avant la fabrication du budget, prévoit bien les choses : « Les réductions d’impôts seront sans doute plus dommageables que celles de Reagan ». L’auteur de l’article était à l’époque un jeune journaliste en charge de la question, et a donc vécu de près les réductions d’impôts gigantesques (huge, gigantic) justifiées par un certain Arthur Laffer qui avait dessiné une courbe sur une serviette lors d’un dîner avec un autre Donald (Rumsfeld, lui aussi de sinistre mémoire) qui a d’ailleurs aussi été conseiller de Donald international (international) lors de sa campagne électorale.

Que dit cette courbe ? Lorsque le taux de prélèvement sur les revenus du travail, est égal à zéro les impôts récoltés sont évidemment nuls. Si le taux est égal à 100 pourcent, plus personne ne travaillera, et la recette sera nulle aussi. Entre ces deux taux extrêmes, la recette fiscale commencera par augmenter pour atteindre un maximum (dans des cas bien particuliers, voir plus loin), et diminuera si le taux devient trop élevé. Il faut dans ce cas, dit Laffer, diminuer le taux d’imposition et comme par miracle disent en chœur Laffer, Reagan et Trump, la recette augmentera (toutes autres choses étant égales). Ils font évidemment tous l’hypothèse que le taux existant est supérieur au taux où la courbe atteint son maximum.


C’est ce que reproduit la Figure 1 A dessinée sur une serviette datée du 14/09/1974 dédicacée à Rumsfeld par Laffer. Le taux d’impôt y est représenté sur l’axe vertical et la recette de l’impôt pour chaque taux sur l’axe horizontal (2). Il se fait que cette courbe est mal dessinée et que les dénominations de « prohibitive range » et de « normal range » n’ont aucun sens parce qu’elles sont placées au mauvais endroit. Mais on voit au milieu de l’image qu’il y a un taux d’imposition qui assure une recette fiscale maximum (la bosse dans la courbe).

Figure 2. La vraie courbe de Laffer
Même si le dessin est faux, cette serviette est précieusement conservée au Smithsonian National Museum of American History (3). Une relique bien plus importante qu’un quelconque os de Saint Victor.

C’est évident et simple à une condition près : que la courbe ait un maximum unique, ce qui est sans doute le cas s’il n’y a qu’un seul agent qui travaille et qui paie, mais dès qu’il existe des agents hétérogènes (en termes de revenus) qui paient des taux marginaux différents, la courbe ressemble plutôt à celle qui est reproduite dans la Figure 2. Mais cela, Laffer, Reagan et certainement Trump n’y ont pas pensé.

Pas plus qu’un certain David Malpass qui a servi comme Vice-ministre des Finances (Deputy Assistant Treasury Secretary) sous Reagan, Vice-ministre des Affaires Etrangères (Deputy Assistant Secretary of State) sous G. W. Bush, et conseiller économique (Senior Economic Advisor) de Donald le magnifique (magnificent) durant sa campagne électorale. Malpass : Un fin connaisseur qui avait prévu en 2007, juste au moment où la grande crise se précisait, que « le marché immobilier et celui de la dette ne représentent pas une part importante de l’économie américaine et les corrections sur ces deux marchés vont probablement permettre à la longue expansion économique actuelle de se poursuivre ». Le titre de l’article qu’il avait écrit dans le Wall Street Journal était « Le marché du crédit : Ne paniquez pas » (4). 

Ne paniquez donc surtout pas !   

(1) Steven Ratter,  Trump’s tax cuts may be more damaging than Reagan’s, The New York Times, May 1, 2017.
(2) Notez qu’un économiste ordinaire comme moi préférerait inverser les axes, mais bon, je n’ai pas la connaissance de Laffer, heureusement.
(4) David Malpass, Don’t panic about the credit market, The Wall Street Journal, August 7, 2007. https://www.wsj.com/articles/SB118645120890190059


1 commentaire:

  1. Laffer a encore de beaux jours devant lui aux USA. Par example, Thomas Sowell (Stanford University)est un supporter inconditionnel des "tax cuts": http://www.investors.com/politics/columnists/thomas-sowell-tax-lies-for-the-gullible/
    Christopher Jencks (Harvard) presente une analyse plus mesuree (dans tous les sens du terme) de la question:
    https://www.hks.harvard.edu/news-events/publications/impact-newsletter/archives/autumn-2009/trickle-down-economics-revisited

    Cedric C.

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