Victor Ginsburgh
Golda |
Dans ma folle jeunesse du temps où j’étais professeur,
j’ai eu le privilège de tester les connaissances en comptabilité (un de mes
enseignements à l’époque) de Golda Meir, Marylin Monroe et Xanthippe,
l’horrible épouse de Socrate. Il faut reconnaître que Xanthippe et Golda n’étaient
pas particulièrement belles et ne ressemblaient pas tout à fait à Marilyn. Bien
entendu, et malgré ma profonde probité intellectuelle, Marilyn est sortie de
l’examen oral avec 19/20 (parce que 20/20 était quand même un peu trop), la
moins belle Golda avec 8 et l’horrible Xanthippe avec 6. Et c’est un fait
souvent observé dans notre société, que la beauté est considérée comme un signe
d’intelligence et de réussite future. A tel point, que la chose a commencé à être
étudiée de façon « sérieuse » depuis de longues années et est recensée
dans les ouvrages de la psychologue Hakim (2011), Honey Money: Why Attractiveness is Key to Success et de l’économiste
Hamermesh (2011), Beauty Pays: Why
Attractive People Are More Successful, qui a montré que la beauté est un
élément plus important dans la réussite pour les hommes que pour les femmes, ce
qui est évidemment contraire aux impressions qu’ont les machistes et leurs « blagues »
sur les belles blondes.
Marilyn, bien sûr |
Certaines études vont jusqu’à suggérer qu’il est
possible d’inférer l’intelligence et le succès futur à partir des
caractéristiques faciales d’un individu. Mais, la question est en réalité de
savoir si la « beauté » prédit vraiment l’intelligence, ou si, lorsqu’on
vous a trouvé belle ou beau quand vous étiez jeune et que vous vous présentiez
à un emploi, ceux qui vous jugeront plus tard penseront que vous êtes
intelligent parce que vous avez bien réussi ou, tout simplement, parce que vous
étiez beau ou belle, que vous soyez intelligent(e) ou pas. Dans ce cas, la
beauté n’est pas prédictive de l’intelligence, mais simplement corrélée dans la
tête de ceux et celles qui sélectionnent, classent ou notent. En dépit du fait
que le résultat est identique dans les deux approches — ceux qui sont beaux ont
mieux réussi — la beauté ne « cause » pas l’intelligence et n’en est
probablement pas même un signe.
Des centaines d’articles ont été écrits sur la
question. La beauté serait positivement corrélée au salaire, produirait de
meilleurs dirigeants d’entreprise, et de meilleurs généraux d’armée (!). La
beauté physique serait importante pour les enseignant(e)s, les beaux individus
seraient plus heureux que les autres, j’en passe et des meilleures. Mais
comment définit-on la notion de beauté ?
et Xanthippe à droite |
Dans une étude récente, Gergaud, Ginsburgh et Livat
(GGL) (1) analysent des données portant sur 3.600 célébrités américaines (personnalités
de cinéma ou de télévision, comédiens, sportifs, musiciens, politiques, etc.),
jugées par un échantillon représentatif de la population américaine, sur base
de 11 caractéristiques censées décrire la « beauté » des dites
célébrités : attractivité, charme, classe, être mignon (cute), être
passionant, avoir du glamour, du style, de la forme physique, être sexy, ou
beau. GGL ont calculé des corrélations entre la note intelligence et celle
obtenue par chacune de ces caractéristiques physiques, ce qui n’implique
aucunement une causalité. Le résultat est que moins de la moitié des coefficients
de corrélation obtenus sont (significativement) positifs, les autres ne sont
pas significativement différents de zéro, voire négatifs.
En particulier, les corrélations entre être
intelligent et être mignon, ou avoir du glamour, ou être sexy, ou être en bonne
forme physique, sont négatives. Evitez donc ces caractéristiques dans votre
comportement lorsque vous sollicitez un nouvel emploi : on vous prendra
pour plus bête que vous ne l’êtes. Par contre, ayez du charme, de la classe et
provoquez la passion (intellectuelle, bien sûr). Et si vous vous lancez dans la
politique, soyez sûr d’avoir du charme (comme l’actuel premier ministre belge),
soyez passionnant (comme le président français sortant) et ayez du style (comme
Donald Trump).
(1) Olivier
Gergaud, Victor Ginsburgh and Florine Livat (2016). Looking good and looking smart: An analysis of American
leading celebrities. ECARES Working Paper.
https://ideas.repec.org/p/eca/wpaper/2013-231720.html
Cela me rappelle la réponse à une superbe actrice anglaise de George Bernhard Shaw qui n'était pas un paragon de beauté. Elle lui proposait d'avoir un enfant ensemble arguant qu'il aurait ma beauté et votre intelligence et l'humoriste par ailleurs grand critique musical de répondre : Oui et si c'était le contraire!
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