mercredi 10 mai 2017

Vivons-nous dans un monde où l’apparence importe ?

Victor Ginsburgh

Golda
Dans ma folle jeunesse du temps où j’étais professeur, j’ai eu le privilège de tester les connaissances en comptabilité (un de mes enseignements à l’époque) de Golda Meir, Marylin Monroe et Xanthippe, l’horrible épouse de Socrate. Il faut reconnaître que Xanthippe et Golda n’étaient pas particulièrement belles et ne ressemblaient pas tout à fait à Marilyn. Bien entendu, et malgré ma profonde probité intellectuelle, Marilyn est sortie de l’examen oral avec 19/20 (parce que 20/20 était quand même un peu trop), la moins belle Golda avec 8 et l’horrible Xanthippe avec 6. Et c’est un fait souvent observé dans notre société, que la beauté est considérée comme un signe d’intelligence et de réussite future. A tel point, que la chose a commencé à être étudiée de façon « sérieuse » depuis de longues années et est recensée dans les ouvrages de la psychologue Hakim (2011), Honey Money: Why Attractiveness is Key to Success et de l’économiste Hamermesh (2011), Beauty Pays: Why Attractive People Are More Successful, qui a montré que la beauté est un élément plus important dans la réussite pour les hommes que pour les femmes, ce qui est évidemment contraire aux impressions qu’ont les machistes et leurs « blagues » sur les belles blondes.
           
Marilyn, bien sûr
Certaines études vont jusqu’à suggérer qu’il est possible d’inférer l’intelligence et le succès futur à partir des caractéristiques faciales d’un individu. Mais, la question est en réalité de savoir si la « beauté » prédit vraiment l’intelligence, ou si, lorsqu’on vous a trouvé belle ou beau quand vous étiez jeune et que vous vous présentiez à un emploi, ceux qui vous jugeront plus tard penseront que vous êtes intelligent parce que vous avez bien réussi ou, tout simplement, parce que vous étiez beau ou belle, que vous soyez intelligent(e) ou pas. Dans ce cas, la beauté n’est pas prédictive de l’intelligence, mais simplement corrélée dans la tête de ceux et celles qui sélectionnent, classent ou notent. En dépit du fait que le résultat est identique dans les deux approches — ceux qui sont beaux ont mieux réussi — la beauté ne « cause » pas l’intelligence et n’en est probablement pas même un signe.


Des centaines d’articles ont été écrits sur la question. La beauté serait positivement corrélée au salaire, produirait de meilleurs dirigeants d’entreprise, et de meilleurs généraux d’armée (!). La beauté physique serait importante pour les enseignant(e)s, les beaux individus seraient plus heureux que les autres, j’en passe et des meilleures. Mais comment définit-on la notion de beauté ?

et Xanthippe à droite 
Dans une étude récente, Gergaud, Ginsburgh et Livat (GGL) (1) analysent des données portant sur 3.600 célébrités américaines (personnalités de cinéma ou de télévision, comédiens, sportifs, musiciens, politiques, etc.), jugées par un échantillon représentatif de la population américaine, sur base de 11 caractéristiques censées décrire la « beauté » des dites célébrités : attractivité, charme, classe, être mignon (cute), être passionant, avoir du glamour, du style, de la forme physique, être sexy, ou beau. GGL ont calculé des corrélations entre la note intelligence et celle obtenue par chacune de ces caractéristiques physiques, ce qui n’implique aucunement une causalité. Le résultat est que moins de la moitié des coefficients de corrélation obtenus sont (significativement) positifs, les autres ne sont pas significativement différents de zéro, voire négatifs.

En particulier, les corrélations entre être intelligent et être mignon, ou avoir du glamour, ou être sexy, ou être en bonne forme physique, sont négatives. Evitez donc ces caractéristiques dans votre comportement lorsque vous sollicitez un nouvel emploi : on vous prendra pour plus bête que vous ne l’êtes. Par contre, ayez du charme, de la classe et provoquez la passion (intellectuelle, bien sûr). Et si vous vous lancez dans la politique, soyez sûr d’avoir du charme (comme l’actuel premier ministre belge), soyez passionnant (comme le président français sortant) et ayez du style (comme Donald Trump).


(1) Olivier Gergaud, Victor Ginsburgh and Florine Livat (2016). Looking good and looking smart: An analysis of American leading celebrities. ECARES Working Paper.
https://ideas.repec.org/p/eca/wpaper/2013-231720.html

1 commentaire:

  1. Cela me rappelle la réponse à une superbe actrice anglaise de George Bernhard Shaw qui n'était pas un paragon de beauté. Elle lui proposait d'avoir un enfant ensemble arguant qu'il aurait ma beauté et votre intelligence et l'humoriste par ailleurs grand critique musical de répondre : Oui et si c'était le contraire!

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