Pierre Pestieau
Qu’il s’agisse d’aliments bio ou de fonds éthiques,
les problèmes sont les mêmes. En dépit de leur succès populaire et de la
pertinence de leur choix, on doit sans cesse se poser la question :
sont-ils vraiment bio, sont-ils vraiment éthiques ? N’y aurait-il pas tromperie
dans les deux cas? Tromperie volontaire ou involontaire comme nous le verrons.
Le bio
Au cours des dernières années, les aliments bio se
sont répandus comme une traînée de poudre. Malgré des prix plus élevés, l’achat
de ces produits traduit le sens d’une responsabilité morale et sociale. Ils
sont censés être moins nocifs, plus naturels et plus éthiques.
On notera dès l’abord qu’il n’existe pas de
consensus sur ce qui est bio et ce qui ne l’est pas. Chaque région a ses
définitions et ses règles. En général, les agriculteurs biologiques utilisent
des méthodes plus traditionnelles, telle que la rotation des cultures, et
des engrais organiques tels que le compost ou le fumier. Ce qui explique les
prix plus élevés.
Alors que la motivation pour acheter des aliments biologiques est clairement noble, deux questions se posent : est-ce efficace pour l’environnement et est-ce bénéfique pour la santé ? On notera que ces deux questions ne vont pas de pair. Un diététicien dira que manger des légumes est plus important pour la santé que la façon dont ils ont été produits. Ce que contredira un écologiste.
Les consommateurs n’achètent pas seulement des
produits biologiques pour engloutir plus de vitamines, mais aussi pour éviter de
manger toxique: pesticides et engrais artificiels. En effet, plusieurs études
montrent qu’il y a effectivement moins de résidus de pesticides, en tout cas
conventionnels, dans les produits biologiques. Ceux-ci recourent à des
pesticides organiques, lesquels ne sont pas nécessairement plus sûrs que les conventionnels.
Autre question. Les aliments biologiques sont-ils
meilleurs pour l’environnement? Plusieurs études (1) ont examiné en détail
l’agriculture biologique et ont analysé son impact sur les émissions de gaz à
effet de serre, la consommation d’énergie et les besoins en terres. Il en
ressort qu’aucune méthode de production n’est clairement meilleure pour
l’environnement. Les systèmes de production organiques utilisent moins d’énergie
que les systèmes conventionnels, mais ont des émissions de gaz à effet de serre
similaires. Les fermes biologiques utilisent moins de pesticides, mais ont
besoin de beaucoup plus de terre pour produire la même quantité. L’agriculture
conventionnelle aurait donc un peu moins d’impact sur l’environnement que
l’agriculture biologique.
L’Espagne, par exemple, produit des quantités
étonnantes de légumes ordinaires et biologiques destinés à l’exportation dans
de vastes zones de culture sous serre qui consomment beaucoup d’énergie. Ce qui
implique d’autres impacts environnementaux, tels que des émissions de gaz à
effet de serre nettement plus élevées.
À mesure que les chaînes d’approvisionnement
deviennent plus complexes, il est de plus en plus difficile de rendre tous les
types d’aliments disponibles en qualité biologique, donc de garantir que les
normes et réglementations relatives à la qualité biologique sont respectées. Ce
qui a conduit à des fraudes dans lesquelles des aliments conventionnels ont été
étiquetés et vendus comme des produits biologiques coûteux. Un dossier récent
du Canard Enchainé (2) est édifiant à ce propos.
Les bons verts
Les bons verts créent un
problème similaire. Comment s’assurer qu’ils sont vraiment verts ? Comment
éviter la tricherie. On citera à ce propos le scandale du Crédit coopératif (3), une « banque qui se définit comme
coopérative et engagée ». On s’est aperçu, un peu tard malheureusement,
que les investissements socialement responsables que propose cette
banque servent en fait à financer des entreprises comme Coca-Cola, Carrefour et
Vinci, qui réussissent ainsi à payer moins d’impôts. Cette banque offre une Sicav éthique. L’est-elle vraiment ?
Il semblerait aussi qu’elle investit dans des géants du secteur
financier (ING, AXA, Allianz), de la chimie (BASF), de la pharmaceutique
(Sanofi), du gaz de schiste (Repoli) et même un peu de l’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes, en compagnie de la multinationale Vinci. Elle investit
également dans Siemens et Schneider Electric qui produisent directement pour
l’industrie militaire.
Ces arnaques pourraient
facilement être évitées. Le problème est ailleurs, plus fondamental. Comment définir
la « verdure » ? Si elle inclut la dimension éthique, les
conflits d’objectifs apparaissent. Une entreprise soucieuses des retombées
environnementales de ses activités, mais qui ne respecte pas le droit ni la
santé de ses employés, peut-elle être considérée comme verte ?
Même si on se limite à
la protection de l’environnement sensu stricto, il est difficile d’évaluer
correctement la vertu de la plupart des activités qui paraissent vertes au
dernier stade de la production, mais ne le sont pas en amont. Il ne faut en
effet pas oublier les effets secondaires d’un projet. Les grands projets
hydroélectriques ont un intérêt certain sur le plan carbone, mais peuvent
impliquer des effets négatifs sur la biodiversité et le déplacement des
populations.
Ce questionnement des
bons verts et des produits bio n’est pas propre à ces deux catégories de biens.
On retrouve la même interrogation là où il y a de la complexité et du
qualitatif. C’est le cas des œuvres charitables ou des maisons de repos. Pour y
répondre, il convient de faire appel à des agences indépendantes et compétentes
qui procéderaient a une évaluation continue et transparente.
Le problème est que
ce qui paraît éthique ou bio aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain. Il
convient aussi de se rappeler d’une évidence. Seul le citoyen consommateur
devrait être conscient de l’importance de l’environnement pour lui et les
générations à venir. Il est illusoire de s’attendre à ce que le monde de
l’entreprise ou celui de la finance aient les mêmes intérêts. Sauf si le label
‘éthique’ ou ‘bio’ permet de mieux se vendre.
(2) « Tout
n’est pas vert dans le bio », Les
Dossiers du Canard, n°151 - avril 2019
(3) https://www.lepostillon.org/Arnaque-ethique-au-Credit-cooperatif.html
un gros reproche fait a la puissante fondation BILL & MELISSA GATES est précisément du meme ordre. Elle vole au secours des agriculteurs les plus démunis de la planète et les plus exposes au changement climatiques (voir leur intervention au ONE PLANET SUMMIT) mais choisi d'investir ses avoirs dans les majors pétroliers qui n'ont pas la planète au centre de leurs préoccupations.
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