jeudi 29 avril 2021

Joseph Kessel et Jérusalem ville internationale

Victor Ginsburgh

Chacun d’entre vous a probablement lu l’un ou l’autre livre de Joseph Kessel du temps de votre jeunesse ou durant votre deuxième jeunesse ; Kessel naît en Argentine, 1898, et décède en France, 1979. Il est journaliste et écrit des romans et des récits. C’est lui qui a écrit Belle de jour, dont Luis Bunuel a tiré un film dit « sulfureux », Le lion, L’armée des ombres, Les Cavaliers et quelque 80 autres ouvrages. Il est aviateur français durant la première guerre mondiale, engagé pour la France, entre dans la résistance française durant la deuxième guerre et fait aussi partie des Forces aériennes françaises libres du Général de Gaulle. Il est aussi coauteur des paroles du Chant des Partisans (Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines…). En 2020, la Bibliothèque de la Pléiade publie un volume de certaines de ses œuvres littéraires. 

 
Joseph Kessel

Il est Juif, et d’après ce que j’ai lu de lui et à son propos, très probablement sioniste, puisqu’il orne, notamment, son épée de l’Académie Française de l’étoile de David. Il voyage en Palestine en 1926 pour visiter les implantations juives et publie, lors de son retour en France, plusieurs articles, dont notamment le texte suivant sur Jérusalem (1) :

« [Jérusalem] n’est pas juive et ne le sera jamais.

« La ville des Rois, du Temple et des Prophètes ne peut pas revenir à ceux qui répètent depuis deux mille ans ‘L’an prochain à Jérusalem’. Les sionistes peuvent conquérir toute la Palestine, mais sans elle. Jérusalem ne leur appartient plus, parce qu’elle dépasse la propriété d’un peuple et qu’elle est celle de l’univers.

« Les chefs du mouvement juif le savent et l’acceptent sans murmurer. S’ils ont établi là leur centre administratif, si l’Université juive s’élève à l’endroit où fut établi le camp de Titus, ce sont de purs éléments symboliques. Ils ne prétendent point à ressaisir une ville sacrée pour trois religions. Et j’ai même entendu des jeunes gens en parler avec le pieux dédain que l’on accorde aux grandes choses mortes.

« Aussi, à m’en tenir strictement à mon propos, devrais-je négliger délibérément Jérusalem. Mais ne serait-ce que pour prendre le repère de son immobilité, comment ne pas la saluer de quelques lignes, même insuffisantes ? Elle est si grande, si grave dans tous les rêves … Ne dirait-on pas qu’elle est détachée de la terre et que, n’appartenant à aucun pays, elle et située dans l’abstraite région des mythes les plus hauts ? ».

Le Dôme du Rocher et le Mur des Lamentations
Jérusalem

Le Dôme du Rocher et le Mur des Lamentations

Je n’aime pas trop (voire, pas du tout) que Kessel ait écrit dans le deuxième paragraphe « les sionistes peuvent conquérir toute la Palestine ». Mais il fallait être courageux pour dire que Jérusalem ne serait jamais juive. Cela aurait évité dans le monde bien des problèmes et des morts.

Un article récent paru dans un quotidien israélien plutôt de gauche a pour titre ‘Quel est le plan directeur des constructions à Jérusalem ? Préserver une majorité juive’ (2). Pauvre Kessel. 


(1). Ces textes sont republiés dans Joseph Kessel, Terre d’amour et de feu, Israël 1926-1961, Paris : Edition Talandier, 2018.
(2). Nir Hasson, The master plan for building in Jerusalem? Preserve a Jewish majority, Haartez, April 15, 2021.

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