Pierre Pestieau
Notre planète me
fait souvent penser à ce personnage qui confierait à chacun de ses amis le terrible
mal dont il souffre. Chaque ami serait le confident d’un mal spécifique. Pour
le premier, ce serait un cancer du colon, pour le deuxième, une insuffisance
rénale; pour le troisième, un emphysème pulmonaire aigu, pour le quatrième, un delirium tremens, etc.… Si d'aventure
ces différentes personnes venaient à se rencontrer et à discuter de leur ami
commun, elles concluraient à la perspective de se retrouver prochainement à ses
funérailles, ou plus vraisemblablement d’avoir affaire à un hypocondriaque,
dont on sait cependant qu’il méritera un jour l’épitaphe « Vous voyez bien que j'avais
raison de m'inquiéter!
».
En l’espace d’une semaine, j’ai rencontré une série de
gens qui ont focalisé mon attention sur un des maux mortels dont souffre notre
société. Chaque fois, il s’agissait d’un mal différent. Mais le diagnostic
était toujours le même : fatal. Le premier donnait une conférence qu’il
avait intitulée : Une génération
d’abuseurs d’enfants. C’était à Dresde, une ville pourtant davantage connue
pour ses musées et les bombardements dont elle a été l’objet que pour sa
pédophilie. En réalité, le thème de sa conférence était la dette gigantesque,
ingérable, explicite mais surtout implicite, que les économies occidentales
laissent à leurs enfants. Le lendemain, un autre ami m’explique que nos
sociétés se meurent de leurs maladies mentales qui ont noms dépression,
anxiété, insomnie, démence. Près de 30% de la population en souffriraient et pire,
ces maladies sont traitées par des médicaments prescrits à des patients de plus
en plus jeunes. Puis ce fut le tour des inégalités croissantes et du délitement
de l’Etat providence, de la surpopulation, de la gestion des ressources
naturelles, de l’intolérance religieuse.
N’allez pas croire que je me moque de ces Cassandre tous hyperspécialisés.
Je crois qu’ils ont tous raison. Sans doute certains de ces maux sont plus
alarmants que d’autres mais tous sont sérieux. La question du « que faire »
se pose à deux niveaux, individuel et collectif. Au niveau individuel, on peut
certainement faire des efforts mais déjà là, ce n’est pas facile. Je connais par
exemple peu de gens qui réussissent à aborder le problème de la protection de
l’environnement avec cohérence. Le plus souvent, vous avez des enragés du
recyclage et des adeptes de l’énergie solaire, qui circulent en 4x4. Il y a
aussi ceux qui ne prennent que les transport en commun ou leur bicyclette pour
se déplacer mais qui utilisent leur sèche-linge même s’il fait plein soleil et
climatisent leur appartement pour le transformer en chambre froide. Ceci dit,
même si nous étions tous vertueux au niveau individuel, il n’est pas sûr que
collectivement nous prendrions les bonnes décisions. Il est tellement humain de
faire payer la facture aux pays voisins ou aux générations futures.
Tout ceci pour dire que tous ces problèmes et bien
d’autres sont sérieux, graves, urgents… mais qu’il faut bien vivre et choisir
ceux qui nous empêcheront de dormir, mais pas trop. Pour ma part, je me
spécialise dans la pauvreté et les inégalités sociales. Mais je respecte les
autres raisons de désespérer de notre planète.
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