Pierre
Pestieau
Un
article récent d’Orley Ashenfelter (1) donne un éclairage intéressant sur une
comparaison internationale des salaires réels. La mesure qu’il utilise est
simple et originale; elle est donnée par le salaire horaire d’un employé
de McDonald (McWage) divisé par le prix d’un Big Mac. Il trouve que ce « salaire
réel » va de 3,09 au Japon et 0,35 en Amérique Latine et en Inde. Les pays
industrialisés ont des salaires réels assez proches, oscillant entre 2 et 3. Ce
qui veut dire que dans ces pays les travailleurs gagnent entre 2 et 3 Big Mac
par heure. Heureusement ils sont payés en monnaie sonnante et trébuchante et pas
en hamburgers. Un cauchemar pour qui a vu le film Super Size Me, ce documentaire de 2004 dont
le personnage central se nourrit exclusivement chez McDonald pendant un mois à
raison de trois repas par jour. Il prend ainsi plus de 11 kilos et souffre de
nombreux problèmes de santé.
Plus sérieusement, avec
les fermetures d’entreprises et les délocalisations, il est important de savoir
quel est le coût du travail dans nos pays. Comment le calcule-t-on ? Le plus souvent, on
utilise le coût horaire du travail, obtenu en divisant le salaire brut (y
compris les cotisations sociales patronales) par le nombre d'heures
travaillées. Dans l'Union
européenne, le coût horaire moyen dans les entreprises de plus de 10 salariés, s’élevait
en 2011 à €23,1 (2). Les disparités entre pays sont cependant fortes : €3,5
en Bulgarie, €7,1 en Pologne, mais €44,2 en Norvège, par exemple. La France est
dans le groupe des pays à coût élevé (€34,2), mais elle n'est pas la plus
chère. La Belgique est à €39,3. L'Allemagne est bien moins chère (€30,1), mais
reste dans le peloton de tête.
Trois remarques sur ces chiffres.
D’abord, dans la production des biens, il n’y a pas que le travail. Dans
l’industrie automobile par exemple, la main d’œuvre a un rôle assez réduit.
Ensuite ce sont des moyennes ; il faut aussi voir la distribution selon
secteurs et les niveaux de qualification. Enfin, et c’est là le paradoxe
inquiétant en Belgique, on peut lire dans les mêmes journaux que le coût du
travail est sans doute un des plus élevés au monde mais que le pouvoir d’achat
des travailleurs belges est un des plus faibles parmi les pays ayant la même
structure économique. C’est tellement vrai que pour de nombreux travailleurs un
Big Mac peut devenir un objet de luxe inabordable.
(1) Orley Ashenfelter, Comparing Real
Wages, NBER Working Paper No. 18006, 2012.
(2) Eurostat
<http://www.bdm.insee.fr/bdm2/choixCriteres.action;jsessionid=C82D4D255FDC973878528D0772433B65?codeGroupe=697>
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