jeudi 4 octobre 2012

Le coût du travail


Pierre Pestieau

Un article récent d’Orley Ashenfelter (1) donne un éclairage intéressant sur une comparaison internationale des salaires réels. La mesure qu’il utilise est simple et originale; elle est donnée par le salaire horaire d’un employé de McDonald (McWage) divisé par le prix d’un Big Mac. Il trouve que ce « salaire réel » va de 3,09 au Japon et 0,35 en Amérique Latine et en Inde. Les pays industrialisés ont des salaires réels assez proches, oscillant entre 2 et 3. Ce qui veut dire que dans ces pays les travailleurs gagnent entre 2 et 3 Big Mac par heure. Heureusement ils sont payés en monnaie sonnante et trébuchante et pas en hamburgers. Un cauchemar pour qui a vu le film Super Size Me, ce documentaire de 2004 dont le personnage central se nourrit exclusivement chez McDonald pendant un mois à raison de trois repas par jour. Il prend ainsi plus de 11 kilos et souffre de nombreux problèmes de santé.

Plus sérieusement, avec les fermetures d’entreprises et les délocalisations, il est important de savoir quel est le coût du travail dans nos pays. Comment le calcule-t-on ? Le plus souvent, on utilise le coût horaire du travail, obtenu en divisant le salaire brut (y compris les cotisations sociales patronales) par le nombre d'heures travaillées. Dans l'Union européenne, le coût horaire moyen dans les entreprises de plus de 10 salariés, s’élevait en 2011 à €23,1 (2). Les disparités entre pays sont cependant fortes : €3,5 en Bulgarie, €7,1 en Pologne, mais €44,2 en Norvège, par exemple. La France est dans le groupe des pays à coût élevé (€34,2), mais elle n'est pas la plus chère. La Belgique est à €39,3. L'Allemagne est bien moins chère (€30,1), mais reste dans le peloton de tête.

Trois remarques sur ces chiffres. D’abord, dans la production des biens, il n’y a pas que le travail. Dans l’industrie automobile par exemple, la main d’œuvre a un rôle assez réduit. Ensuite ce sont des moyennes ; il faut aussi voir la distribution selon secteurs et les niveaux de qualification. Enfin, et c’est là le paradoxe inquiétant en Belgique, on peut lire dans les mêmes journaux que le coût du travail est sans doute un des plus élevés au monde mais que le pouvoir d’achat des travailleurs belges est un des plus faibles parmi les pays ayant la même structure économique. C’est tellement vrai que pour de nombreux travailleurs un Big Mac peut devenir un objet de luxe inabordable.

(1) Orley Ashenfelter, Comparing Real Wages, NBER Working Paper No. 18006,  2012.
(2) Eurostat
<http://www.bdm.insee.fr/bdm2/choixCriteres.action;jsessionid=C82D4D255FDC973878528D0772433B65?codeGroupe=697>

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