jeudi 18 octobre 2012

Fortis, l’assureur chinois Ping An, les frères du Zoute et les autres


Victor Ginsburgh

L’assureur chinois Ping An, premier actionnaire de Fortis, a perdu quelque 2,8 milliards d’euros dans la débâcle de Fortis en 2007-2008. Il compte poursuivre le gouvernement belge sur base d’une convention signée entre l’Union Economique Belgo-Luxembourgeoise et la Chine qui prévoit que les parties s’engagent à ne prendre « aucune mesure dont l’effet serait de déposséder directement ou indirectement les investisseurs de l’autre partie de leurs investissements sur son territoire ». Le conflit est censé se résoudre par une procédure d’arbitrage, mais risque de coûter un petit paquet à la Belgique, qui sera, comme toujours dans ces cas, payé par nos impôts ou par ceux des générations qui nous suivront. On ne trouve pas, aujourd’hui, quelques milliards sous le sabot d’un cheval, fût-il brabançon.

Et pendant ce temps, les frères Lippens (dont Maurice, « celui par qui la faute est arrivée ») sont interviewés au golf club du Zoute en juin 2012 (1) et déclarent gentiment que « c’est vrai, la chance nous sourit. Peut-on nous en blâmer ? » en réponse à une question sur leur fortune. Maurice explique que ce n’est pas tout à fait de sa faute si Fortis a chuté. Qu’il aurait peut-être pu sauver la banque s’il avait été au courant de tout : « La seule chose qui me déçoive vraiment, c’est que certaines personnes en qui j’avais confiance n’ont pas eu le courage de dire tout ce qu’elles savaient. C’est… regrettable ».

Ces paroles ressemblent furieusement à ce que disait l’ex-ministre Dehaene dans le cas de la chute de la Banque Dexia dont il était Président : Ce n’est pas ma faute, je ne voulais pas en être, je l’ai fait pour faire plaisir. D’ailleurs, lors de l’assemblée générale qu’il présidait en mai 2012 et qui devait lui donner décharge de sa gestion, il bâillait, pendant que son acolyte français Mariani tapotait sur son Smartphone (2).

Il est d’autres lieux où la justice essaie d’enquêter et, s’il le faut, de poursuivre. Ainsi, le procureur général de New York poursuit une unité de la JPMorgan Chase pour déformation de la vérité en général (et pas dans un cas particulier) durant les années 2005 à 2007. Le cas est porté devant la Cour Suprême de l’Etat de New York (3).

Les autorités fédérales américaines essaient aussi  de comprendre pourquoi la même banque vient de perdre $6 milliards et le FBI pourrait très bien procéder à des arrestations dans les prochains mois. En attendant, les conversations téléphoniques, les emails, les notes prises par les employés durant des réunions, et les messages entre traders ont du être remis aux autorités par la banque et sont passés au peigne fin (4).

Les cas américains ne ressemblent pas nécessairement à ceux de Fortis et de Dexia. Mais peut-on admettre que rien ne soit entrepris, ou si peu ? Lippens paraderait peut-être moins au golf club de sa ville, Dehaene s’arrêterait peut-être de bâiller et le Smartphone de Mariani serait peut-être confisqué pour examen par les services de la sécurité financière (5), pour autant qu’elle existe. Mais elle est sans doute aussi invisible que l’autorité de régulation l’a été jusqu’ici.

(1) Voir Lippens versus Lippens, Sabato, Le Magazine du Week-End de l’Echo, 30 juin 2012.
(3) Mr. Schneiderman presents his case, The New York Times, October 2, 2012. Voir
(4) Ben Protess and Azam Ahmed, With tapes, authorities build criminal cases over JPMorgan loss, The New York Times, October 10, 2012. Voir http://finance.yahoo.com/news/tapes-authorities-build-criminal-cases-101604792.html
(5) Sans parler de ceux qui les ont précédés (Axel Miller et Pierre Richard, notamment) dans cette grande, mais pas très belle, aventure. Sur la chute de Dexia, voir l’ouvrage qui vient de sortir de presse de Pierre-Henri Thomas, Dexia, Vie et mort d’un monstre bancaire, Paris : Les Petits Matins, 2012.



Ajouté le 25 octobre 2012


Je voudrais ajouter à ce blog que depuis qu’il a paru il y a une semaine, la Bank of America a été condamnée à une amende de 1 milliard de dollars pour avoir vendu « de façon impudente (brazen) » des produits financiers pourris à d’autres  banques (1).

Par ailleurs, l’ancien directeur de Goldman Sachs, Rajat Gupta, a écopé de deux ans de prison ferme pour avoir transmis des information’s confidentielles à un « fund manager » (2).

Par contre, L’Echo du 24 octobre titre « Pas d’inculpations à l’issue de l’instruction du dossier Fortis », mais le dossier est transmis au parquet.










1 commentaire:

  1. Je voudrais ajouter que depuis que ce blog a été publié il y a une semaine, la Bank of America a été condamnée à une amende de 1 milliard de dollars pour avoir vendu des produits financiers pourris à d’autres banques.

    Par ailleurs, l’ancien directeur de Goldman Sachs, Rajat Gupta, a écopé de deux ans de prison ferme pour avoir transmis des information’s confidentielles à un “fund manager”.

    Voir les deux articles du NYT publiés le 25 octobre 2012

    http://dealbook.nytimes.com/2012/10/24/federal-prosecutors-sue-bank-of-america-over-mortgage-program/?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20121025

    et

    http://dealbook.nytimes.com/2012/10/24/rajat-gupta-gets-2-years-in-prison/?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20121025


    Victor Ginsburgh

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