Victor Ginsburgh
L’assureur chinois Ping An, premier actionnaire de
Fortis, a perdu quelque 2,8 milliards d’euros dans la débâcle de Fortis en
2007-2008. Il compte poursuivre le gouvernement belge sur base d’une convention
signée entre l’Union Economique Belgo-Luxembourgeoise et la Chine qui prévoit
que les parties s’engagent à ne prendre « aucune mesure dont l’effet
serait de déposséder directement ou indirectement les investisseurs de l’autre
partie de leurs investissements sur son territoire ». Le conflit est censé
se résoudre par une procédure d’arbitrage, mais risque de coûter un petit
paquet à la Belgique, qui sera, comme toujours dans ces cas, payé par nos
impôts ou par ceux des générations qui nous suivront. On ne trouve pas,
aujourd’hui, quelques milliards sous le sabot d’un cheval, fût-il brabançon.
Et pendant ce temps, les frères Lippens (dont
Maurice, « celui par qui la faute est arrivée ») sont interviewés au
golf club du Zoute en juin 2012 (1) et déclarent gentiment que « c’est
vrai, la chance nous sourit. Peut-on nous en blâmer ? » en réponse à
une question sur leur fortune. Maurice explique que ce n’est pas tout à fait de
sa faute si Fortis a chuté. Qu’il aurait peut-être pu sauver la banque s’il
avait été au courant de tout : « La seule chose qui me déçoive
vraiment, c’est que certaines personnes en qui j’avais confiance n’ont pas eu
le courage de dire tout ce qu’elles savaient. C’est… regrettable ».
Ces paroles ressemblent furieusement à ce que
disait l’ex-ministre Dehaene dans le cas de la chute de la Banque Dexia dont il
était Président : Ce n’est pas ma faute, je ne voulais pas en être,
je l’ai fait pour faire plaisir. D’ailleurs, lors de l’assemblée générale qu’il
présidait en mai 2012 et qui devait lui donner décharge de sa gestion, il bâillait,
pendant que son acolyte français Mariani tapotait sur son Smartphone (2).
Il est d’autres lieux où la justice essaie
d’enquêter et, s’il le faut, de poursuivre. Ainsi, le procureur général de New
York poursuit une unité de la JPMorgan Chase pour déformation de la vérité en
général (et pas dans un cas particulier) durant les années 2005 à 2007. Le cas
est porté devant la Cour Suprême de l’Etat de New York (3).
Les autorités fédérales américaines essaient aussi de comprendre pourquoi la même banque
vient de perdre $6 milliards et le FBI pourrait très bien procéder à des
arrestations dans les prochains mois. En attendant, les conversations
téléphoniques, les emails, les notes prises par les employés durant des
réunions, et les messages entre traders ont du être remis aux autorités par la
banque et sont passés au peigne fin (4).
Les cas américains ne ressemblent pas
nécessairement à ceux de Fortis et de Dexia. Mais peut-on admettre que rien ne
soit entrepris, ou si peu ? Lippens paraderait peut-être moins au golf
club de sa ville, Dehaene s’arrêterait peut-être de bâiller et le Smartphone de
Mariani serait peut-être confisqué pour examen par les services de la sécurité
financière (5), pour autant qu’elle existe. Mais elle est sans doute aussi
invisible que l’autorité de régulation l’a été jusqu’ici.
(1) Voir Lippens versus Lippens,
Sabato, Le Magazine du Week-End de l’Echo,
30 juin 2012.
(2) Kwijting Dexia :
Dehaene geeuwt, aandelhouders gelaten, http://www.knack.be/nieuws/belgie/kwijting-dexia-dehaene-geeuwt-aandeelhouders-gelaten/article-4000093021219.htm
(3) Mr. Schneiderman presents
his case, The New York Times, October
2, 2012. Voir
(4) Ben Protess and Azam Ahmed,
With tapes, authorities build criminal cases over JPMorgan loss, The New York Times, October 10, 2012. Voir
http://finance.yahoo.com/news/tapes-authorities-build-criminal-cases-101604792.html
(5) Sans parler de ceux qui les
ont précédés (Axel Miller et Pierre Richard, notamment) dans cette grande, mais
pas très belle, aventure. Sur la chute de Dexia, voir l’ouvrage qui vient de
sortir de presse de Pierre-Henri Thomas, Dexia,
Vie et mort d’un monstre bancaire, Paris : Les Petits Matins, 2012.
Ajouté le 25 octobre 2012
Je voudrais
ajouter à ce blog que depuis qu’il a paru il y a une semaine, la Bank of
America a été condamnée à une amende de 1 milliard de dollars pour avoir vendu « de
façon impudente (brazen) » des produits financiers pourris à d’autres banques (1).
Par ailleurs,
l’ancien directeur de Goldman Sachs, Rajat Gupta, a écopé de deux ans de prison
ferme pour avoir transmis des information’s confidentielles à un « fund
manager » (2).
Par contre, L’Echo du 24 octobre titre « Pas d’inculpations
à l’issue de l’instruction du dossier Fortis », mais le dossier est
transmis au parquet.
(1) New York Times
du 25 octobre 2012. http://dealbook.nytimes.com/2012/10/24/federal-prosecutors-sue-bank-of-america-over-mortgage-program/?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20121025
(2) New York Times
du 25 octobre 2012. http://dealbook.nytimes.com/2012/10/24/rajat-gupta-gets-2-years-in-prison/?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20121025
Je voudrais ajouter que depuis que ce blog a été publié il y a une semaine, la Bank of America a été condamnée à une amende de 1 milliard de dollars pour avoir vendu des produits financiers pourris à d’autres banques.
RépondreSupprimerPar ailleurs, l’ancien directeur de Goldman Sachs, Rajat Gupta, a écopé de deux ans de prison ferme pour avoir transmis des information’s confidentielles à un “fund manager”.
Voir les deux articles du NYT publiés le 25 octobre 2012
http://dealbook.nytimes.com/2012/10/24/federal-prosecutors-sue-bank-of-america-over-mortgage-program/?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20121025
et
http://dealbook.nytimes.com/2012/10/24/rajat-gupta-gets-2-years-in-prison/?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20121025
Victor Ginsburgh