Victor Ginsburgh
« Acheter son élection » est le titre
d’un éditorial du New York Times (1) qui
commente la campagne publicitaire relative aux élections présidentielles
américaines.
Lors de l’élection qui a opposé Gerald Ford et Jimmy
Carter en 1976, chaque candidat avait reçu l’autorisation de dépenser quelque
$35 millions. Mitt Romney et
Barack Obama ont chacun $1 milliard à leur disposition, soit 30 fois
plus. Ce n’est pas vraiment la même chose, même si l’on tient compte de
l’inflation. Et ces montants sont obtenus à coup de $5.000 au maximum par
donateur, y compris les entreprises.
Mais ceci est sans compter ce qu’on appelle les
Super Pacs (et les 501(c)4s), introduits par la Cour Suprême américaine en 2010
dans son jugement Citizens United v.
Federal Election Commission. Ce jugement a déclaré illégales les lois qui
interdisent aux firmes (ou aux individus) de financer indirectement et de façon indépendante
des campagnes électorales par des associations distinctes des candidats (les
PACs, ou Political Action Committees, qui peuvent mener campagne pour ou contre
des candidats politiques). C’est ce qui a par exemple permis à Sheldon Adelson
de donner $10 millions (2) pour une campagne soutenant Romney contre Obama.
Selon l’article du NYT, l’idée vient d’un certain Jim Bopp Jr., pour lequel les
limites mises aux dépenses électorales violent la Constitution, ce que la Cour
Suprême qui n’est pas particulièrement à gauche, a volontiers admis. Et Bopp se
prend pour un défenseur de la démocratie, dit l’article, puisque la raison
qu’il invoquait était que « la plupart des citoyens ne savent même pas qui
est leur député ». Et que, bien sûr, si les dépenses publicitaires des
candidats pouvaient être plus importantes, on pourrait mieux connaître leur
tête.
C’est indécent. Mais, supposons…
Supposons que durant les deux ou trois derniers
jours de la campagne pour les élections communales belges (14 octobre), nous
fassions de même. On a tout de même envie de voir la tête du bourgmestre actuel
de Charleroi, la commune la plus corrompue de Belgique, avant de voter pour P. M.
Et puis de voir leur tête à tous deux après la victoire de l’un ou de l’autre. Il
est vrai que le bourgmestre en fonction avec son revenu mensuel de €12.630 (3) plus
un autre mandat rémunéré ne doit pas être sensible à la corruption. On aurait
aussi envie de voir la tête des bourgmestres de Namur et de Mons avec leurs €9.812
par mois et respectivement quatre et trois autres mandats rémunérés, ou encore celle
d’Alain Mathot (fils du « célèbre » Guy, souvent accusé, mais jamais
condamné), bourgmestre de Seraing, €8.139 de salaire public, quatre mandats
rémunérés et une inculpation en novembre 2011, parce qu’il a été soupçonné d’avoir
reçu des pots-de-vin lors de l’attribution de la construction d’un incinérateur
(4), dont la photo serait elle aussi amusante à voir.
Et celle du bourgmestre de la charmante commune de Daverdisse
qui perçoit €2.784 de salaire mensuel. Pour gérer une commune de 1.405
habitants en plein bled wallon. Mais lui au moins, même s’il est candidat et
remporte l’élection, va faire son boulot, pas comme le font bon nombre de ses
collègues, qui annoncent très fièrement qu’ils se feront remplacer dès qu’ils sont
élus, parce qu’ils ont mieux à faire que d’être bourgmestre.
(1)
Joe Nocera, Buying the élection, The New York Times, October 8, 2012. Voir
(2) Le journal israélien Haaretz va
jusqu’à parler de $100 millions. Voir Merav Michaeli, Fighting Adelson’s battle, Haaretz,
October 10, 2012.
(3)
Les rémunérations proviennent d’un article dans L’Echo du 9 octobre 2012.
On sent une forme de ras le bol face au comportement de certains elus. Cependant le comportement des elus n est pas un probleme. C est un sympthome. C est le symptome de la betise des electeurs. On a les politiciens que l on merite, si ces derniers ont compris que les electeurs ne sont pas suffisament informes, voir carrement desinvoltes, ils feront n importe quoi car ils auront l assurance de s en "tirer". Au lieu de decrier les politiciens ils faudrait s attaquer a la stupidite des Belges!
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