Victor Ginsburgh
Les débats sur les effets de l’agriculture et de la
viticulture biologique font rage. Comme les « études basées sur les études »,
aussi appelées meta-études, des sortes de compilations d’études existantes,
sans aucun apport nouveau, si ce n’est du meta.
Pourquoi cette liaison ? Parce que les deux
sont à la mode, mais surtout parce que deux meta-analyses d’études sur les
bienfaits (ou méfaits) de l’agriculture biologique ont paru en l’espace de 18
mois, l’une, en avril 2011, écrite par des scientifiques de l’Université de
Newcastle, Angleterre (1), l’autre par des chercheurs tout aussi scientifiques
de l’Université Stanford, Etats-Unis, en septembre 2012 (2).
L’article du New
York Times (3) qui résume le débat signale que l’étude anglaise n’a pas
fait beaucoup de vagues. L’étude américaine, pratiquement basée sur les mêmes
articles que l’étude anglaise, en a par contre fait, d’autant plus que ses
conclusions contredisent celles de la première !
Pour être honnête, je préfère les conclusions
américaines qui suggèrent que les aliments biologiques ne sont pas plus
nutritifs que les autres, mais plus chers.
Cependant…
Cependant, d’une part le rapport américain ne tient
aucun compte des pesticides utilisés dans l’agriculture traditionnelle, ni de
leurs effets sur la santé des fermiers et sur l’environnement. Et les très
altruistes acheteurs de produits biologiques prétendent qu’ils sont prêts à
payer pour réduire ces effets.
Et d’autre part, les études de base sont utilisées
différemment dans les deux meta-analyses. Il n’y a, disent les chercheurs qui
utilisent ce genre de méthodes, aucune qui soit meilleure que les autres. Chaque
groupe y prend un peu ce dont il veut se persuader, en utilisant les données de
base à son avantage afin de jeter, par la même occasion, un pavé dans la mare
de l’autre.
Les deux groupes annoncent quand même certains
résultats comparables. Pour la plupart des vitamines et des éléments minéraux,
il n’y a guère de différence entre biologique et traditionnel, si ce n’est,
dans une des deux meta-analyses, un modeste accroissement en vitamine C dans les
aliments biologiques. Les deux études trouvent aussi que les légumes biologiques
contiennent plus de phénols, dont on pense qu’ils préviennent notamment les
cancers, mais la meta-analyse de Stanford trouve le résultat peu fiable, parce
que les gains en phénol décelés varient très fortement entre les études de base.
Mais surtout, la meta-étude de Stanford semble avoir
confondu flavonols (que l’on trouve
dans le cacao ou le thé vert et qui protègent aussi contre le cancer) et flavonoïdes, une classe plus large dont
font partie les flavonols. Elle trouve que le contenu des flavonoïdes est
identique dans les aliments biologiques et les autres. En fait, ce sont les
flavonols qu’elle aurait, selon les auteurs de la meta-étude anglaise, dû prendre
en compte. Cela ne change pas nos résultats disent les américains.
Il ne semble pas y avoir d’intervention de
l’industrie dans ce débat, contrairement à celui dont Pierre Pestieau parle
dans l’article qui précède. Il s’agit plutôt d’un débat entre des sçavants de
Molière.
Le diable est dans les détails. Et maintenant,
comme dit la marionnette qui représente Poivre d’Arvor dans le bébête show de Canal Plus, éteignez votre télévision. Et surtout, n’écoutez plus et ne lisez
plus les résultats de certaines études scientifiques.
(1) K. Brandt, C. Leifert , Sanderson R, and C.J. Seal (2011), Agroecosystem management and nutritional quality of plant
foods: The case of organic fruits and vegetables, Critical Reviews in Plant Sciences 30, 177-197.
(2) M.
Brandt, Little évidence of health benefits from organic foods, Stanford Study
finds, Voir http://med.stanford.edu/ism/2012/september/organic.html
(3) Kenneth
Chang, Parsing of data led to mixed messages on organic’s food value, New York Times, October 15, 2012. Voir http://www.nytimes.com/2012/10/16/science/stanford-organic-food-study-and-vagaries-of-meta-analyses.html?_r=0
" Le Center for Health Policy pour lequel l'auteure senior de l'étude de Stanford est "affiliée senior" http://healthpolicy.stanford.edu/people/publications/crystal_smithspangler/0/0/1/
RépondreSupprimerest une unité du Freeman Spogli Institute for International Studies (FSI) à Stanford. Un autre centre de ce dernier organisme, le Center on Food Security and the Environment, a notamment reçu un don de $5 millions sur 10 ans de Cargill (chiffre d'affaire de 120 milliards $ en 2010) qui est notamment spécialisée dans la fourniture d'ingrédients alimentaires…