jeudi 1 novembre 2012

Les deux Amériques


Pierre Pestieau

Veille de l’élection américaine. Je passe les dernières semaines de la campagne à Washington, et ne peux qu’être frappé par la coexistence de deux Amériques. Cette dualité n’est que lointainement liée à la différence entre les deux candidats bien que je suis convaincu qu’Obama incarne davantage la bonne Amérique que son adversaire républicain. Quelques impressions glanées au fil de ces derniers jours. Un documentaire en 3D, intitulé Rescue. On y voit l’armée et des ONG américaines collaborant avec des volontaires venus de partout pour aider la population de Haïti touchée par un terrible tremblement de terre. Une série d’émissions de la télévision publique, PBS, qui au travers notamment de Sesame Street, donnent l’image d’une Amérique de la convivialité multiraciale.

A côté de cela, des débats présidentiels insipides mais révélateurs, où chaque adversaire évite le faux pas avec pour conséquence une langue de bois à faire pâlir d’envie la Forêt Noire. Pas un mot sur le sort des Palestiniens mais 54 mentions d’Israël,  considéré comme aussi précieux qu’un des 50 états américains. Une naïveté insupportable sur l’installation de la démocratie en Syrie ou en Afghanistan. La promesse de ne pas augmenter les déficits tout en réduisant les taux de taxation, grâce à des suppression de niches fiscales que l’on se refuse d’identifier parce que derrière chacune, il y aurait le risque de perdre des milliers de vote. Une obsession pour la classe moyenne et un silence absolu sur les pauvres. Cette classe moyenne que personne ne définit. Dans sa version la plus large, elle s’étendrait des ménages ayant un revenu au-dessus du seuil de pauvreté jusqu'à ceux qui toucheraient un revenu annuel d’un million de dollars. Cela comprend donc plus de 80% de la population, celle qui vote, celle qui « souffre ».

Dans les débats entre candidats mais aussi dans les articles de presse, les pauvres sont les laissés pour compte. Les démocrates hésitent à les défendre parce que le thème est impopulaire.  Peu de réactions aux menaces du candidat républicain de renoncer au programme de santé laborieusement mis sur pied par Obama, aux engagements de réduire les deux programmes de santé existants, Medicare et Medicaid, à la quasi certitude d’une abolition des droits de succession et de certaines taxes sur les plus-values.

Ce plan génial devrait créer en quelques années 12 millions de jobs.  Un de ses concepteurs n’est autre que le trop célèbre Glenn Hubbard, professeur d’économie et de phynance, Doyen de la Columbia Business School, et conseiller de Romney. Peu d’économistes (1) le croient mais la moitié, des électeurs semblent penser que cela pourrait marcher. La célébrité de Hubbard remonte au film Inside Job dont il a été question dans un blog précédent (20 mars 2011). Acculé par des questions gênantes sur ses nombreux conflits d’intérêt, il congédie proprement son interviewer par le fameux. « Vous avez encore 3 minutes et une question. Donnez le meilleur de vous-même (Give your best shot) » (1).

Espérerons que dans quelques jours, l’Amérique donne le meilleur d’elle-même pour que la bonne Amérique l’emporte et que notre collègue retourne à ses chères études et ses juteux conseils. Car contrairement à ce qui s’écrit parfois Obama et Romney, ce n’est pas « bonnet blanc et blanc bonnet » (2).

(2) Je ne peux m’empêcher de recommander la lecture de deux éditoriaux récents de Thomas Friedman, Why I Am Pro-Life , New York Times 28-10-12 et Paul Krugman, Medicaid on the Ballot, New York Times 29-10-12.

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