Pierre Pestieau
Veille de l’élection américaine. Je passe les dernières
semaines de la campagne à Washington, et ne peux qu’être frappé par la
coexistence de deux Amériques. Cette dualité n’est que lointainement liée à la différence
entre les deux candidats bien que je suis convaincu qu’Obama incarne davantage
la bonne Amérique que son adversaire républicain. Quelques impressions glanées
au fil de ces derniers jours. Un documentaire en 3D, intitulé Rescue. On y voit l’armée et des ONG
américaines collaborant avec des volontaires venus de partout pour aider la
population de Haïti touchée par un terrible tremblement de terre. Une série
d’émissions de la télévision publique, PBS, qui au travers notamment de Sesame Street, donnent l’image d’une
Amérique de la convivialité multiraciale.
A côté de cela, des débats présidentiels insipides
mais révélateurs, où chaque adversaire évite le faux pas avec pour conséquence une
langue de bois à faire pâlir d’envie la Forêt Noire. Pas un mot sur le sort des
Palestiniens mais 54 mentions d’Israël,
considéré comme aussi précieux qu’un des 50 états américains. Une
naïveté insupportable sur l’installation de la démocratie en Syrie ou en
Afghanistan. La promesse de ne pas augmenter les déficits tout en réduisant les
taux de taxation, grâce à des suppression de niches fiscales que l’on se refuse
d’identifier parce que derrière chacune, il y aurait le risque de perdre des milliers
de vote. Une obsession pour la classe moyenne et un silence absolu sur les
pauvres. Cette classe moyenne que personne ne définit. Dans sa version la plus
large, elle s’étendrait des ménages ayant un revenu au-dessus du seuil de
pauvreté jusqu'à ceux qui toucheraient un revenu annuel d’un million de dollars.
Cela comprend donc plus de 80% de la population, celle qui vote, celle qui « souffre ».
Dans les débats entre candidats mais aussi dans les
articles de presse, les pauvres sont les laissés pour compte. Les démocrates
hésitent à les défendre parce que le thème est impopulaire. Peu de réactions aux menaces du
candidat républicain de renoncer au programme de santé laborieusement mis sur
pied par Obama, aux engagements de réduire les deux programmes de santé
existants, Medicare et Medicaid, à la quasi certitude d’une abolition des
droits de succession et de certaines taxes sur les plus-values.
Ce plan génial devrait créer en quelques années 12
millions de jobs. Un de ses
concepteurs n’est autre que le trop célèbre Glenn Hubbard, professeur d’économie
et de phynance, Doyen de la Columbia Business School, et conseiller de Romney.
Peu d’économistes (1) le croient mais la moitié, des électeurs semblent penser
que cela pourrait marcher. La célébrité de Hubbard remonte au film Inside Job dont il a été question dans
un blog précédent (20 mars 2011). Acculé par des questions gênantes sur ses
nombreux conflits d’intérêt, il congédie proprement son interviewer par le
fameux. « Vous avez encore 3 minutes et une question. Donnez le meilleur
de vous-même (Give your best shot) » (1).
Espérerons que dans quelques jours, l’Amérique
donne le meilleur d’elle-même pour que la bonne Amérique l’emporte et que notre
collègue retourne à ses chères études et ses juteux conseils. Car contrairement
à ce qui s’écrit parfois Obama et Romney, ce n’est pas « bonnet blanc et
blanc bonnet » (2).
(2) Je ne peux
m’empêcher de recommander la lecture de deux éditoriaux récents de Thomas
Friedman, Why I Am Pro-Life , New York
Times 28-10-12 et Paul Krugman, Medicaid on the Ballot, New York Times 29-10-12.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire