Pierre Pestieau
Victor Ginsburgh et
moi avions un ami qui fumait beaucoup alors que nous étions entrés dans l’ère
vertueuse du TCT (tout contre le tabac). Sa justification à laquelle même lui
ne croyait qu’à moitié était qu’avant de s’en prendre aux fumeurs, il aurait
fallu commencer par lutter contre la pollution des villes et des campagnes due
aux voitures, chauffages et usines.
Un rapport
récent de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) semble lui donner raison « à titre
posthume ». Il apparaît en effet que la pollution de
l’air a tué prématurément près de 7 millions de personnes dans le monde
en 2012 (2). « La pollution
atmosphérique est désormais le principal risque environnemental pour la santé
dans le monde », insiste le docteur Maria Neira, directrice du département
santé publique à l’OMS. Elle ajoute : « Les risques sont désormais plus importants qu’on ne le pensait, en
particulier en ce qui concerne les cardiopathies et les accidents vasculaires
cérébraux. Peu de risques ont un impact supérieur sur la santé mondiale à
l’heure actuelle que la pollution de l’air ».
A titre de comparaison, le
tabagisme provoque 6 millions de morts par an dans le monde. Pourquoi une
telle explosion des chiffres et surtout pourquoi si peu d’efforts pour réduire
la pollution de l’air en comparaison avec ceux qui sont investis dans la lutte
contre le tabagisme ?
Il y a plusieurs raisons.
D’abord, ce n’est que récemment que l’opinion a été alertée et informée du
phénomène que l’on croyait réservé à des villes lointaines comme Pékin ou
Mexico. Les chiffres tombent de plus en plus alarmants révélant un arrêt dans
la baisse des taux de mortalité. Les auteurs de la pollution sont aussi moins
identifiables que dans le cas du tabagisme. Viendra peut-être un jour le temps
où l’on sera gêné de conduire une voiture diesel ou de ne pas faire entretenir,
voire de remplacer sa chaudière. Mais on en est loin. Les victimes elles aussi
sont différentes. Dans le cas du tabagisme, c’était les fumeurs et leur
entourage. Ici, ce sont des gens qui parfois n’ont rien avoir avec la pollution.
Les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées sont les plus
vulnérables.
Il y a quelques
semaines, ma voiture a rendu l’âme après 12 ans de loyaux services. Il m’a
fallu la remplacer. J’étais alors convaincu que j’allais acheter une voiture
propre, certainement pas une diesel. Et pourtant… Pour diverses raisons
d’habitudes, de prix et d’offre, j’ai fini par acheter une diesel. Certes le
vendeur a calmé ma conscience en m’expliquant que ma nouvelle voiture était
bien plus propre que la chère disparue. Mais je ne suis pas dupe.
Ceci dit on ne peut pas miser sur l’improbable
civisme de nos compatriotes pour résoudre un problème tels que celui de la
pollution. Nous sommes au cœur de ce qu’on appelle la « tragédie des
communs » (3). Elle se produit lorsqu’un individu
a un intérêt personnel à utiliser une ressource commune de façon à maximiser
son usage individuel, tout en distribuant entre les utilisateurs le coût
d'exploitation. Dans ce cas la seule solution est de passer par la puissance
publique qui s’efforcera de réduire les émissions
toxiques, de rendre l’air plus respirable par la réglementation ou la fiscalité.
Parmi les mesures à prendre d’urgence, on citera l’instauration de la
circulation alternée quand la pollution atmosphérique est intenable, une
augmentation de pistes cyclables et de
transports publics bon marché, une hausse des taxes sur le diesel
et un réglementation accrue de la propreté des chaudières tant industrielles
que domestiques. A long terme, on ne fera pas l’économie d’une refonte radicale
de notre habitat et de notre mobilité.
(1) Hommage à Alain Resnais qui vient de nous quitter.
(2) Voir Libération du 26-3-2014.
(3) Il s’agit de l’histoire d’un village
d’éleveurs, où chacun peut faire paître ses animaux dans un pré n’appartenant à
personne en particulier (les communs). L'accès libre à cette ressource limitée
pour laquelle la demande est forte mène inévitablement à sa surexploitation et
finalement à sa disparition.
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