Victor Ginsburgh
Une version plus courte de cet
article a paru dans La Libre du 6
février 2015 sous le titre « Mons 2015 : Un euro perdu, six de
retrouvés, vraiment ? » La version publiée ici contient des notes de
bas de page (en particulier la note (5)) qui explicite le raisonnement
complètement biaisé d’un consultant, qui a pourtant pignon sur rue dans le
monde de la culture et autres.
***
|
Attention à l'effet multiplicateur
|
Nous voilà repartis sur de bien mauvaises bases financières avec Mons, capitale
européenne de la culture. Pas parce que l’événement n’est pas une bonne idée,
Mons prendra sûrement une nouvelle physionomie et gagnera en réputation — on ne
peut que s’en réjouir — mais il ne faut pas faire croire aux bonnes et naïves
gens et à ceux qui ont donné les moyens financiers que les recettes seront cinq
à six fois supérieures aux 70,5 millions de dépenses que l’aventure aura coûté
— et dont 87% proviennent de subventions publiques locales et régionales (1). C’est
ce qu’on appelle le « multiplicateur culturel » dans le milieu : vous
payez un et récupérez six.
Il y a deux raisons pour lesquelles ce chiffre (six pour un) est
contestable. La première est que le financement provient des impôts, donc de
nos salaires et profits qui sont de la valeur ajoutée, alors que les dépenses
des visiteurs sont basées sur les prix de vente. La valeur de vente d’un
coca-cola consommée à Mons contient seulement une petite partie de valeur
ajoutée pour Mons (le profit du cafetier). On ne peut donc pas comparer la
valeur du financement de l’événement avec le chiffre d’affaires réalisé à Mons.
La deuxième raison est qu’une bonne partie des visiteurs sera constituée de
Montois, de Wallons, de Bruxellois et de Flamands. Les dépenses que ces
visiteurs font auraient
probablement été faites de toute manière en Belgique. Donc ce qui est
gagné par Mons est perdu pour les autres régions. Bien sûr, il y aura quelques
étrangers, de Lille par exemple et là c’est au désavantage de la France. Ils ne
doivent pas se plaindre puisqu’ils ont eu Lille et les visiteurs belges.
Gergaud et Ginsburgh (2) ont étudié ces derniers aspects pour une douzaine de
festivals d’opéra en Europe. La plupart n’ont pratiquement que des visiteurs
locaux. Le seul qui y échappe et attire des étrangers au pays (ici l’Allemagne)
est le festival Wagner à Bayreuth.