Pierre Pestieau
Il y a peu, le Figaro (1) s’est
fait l’écho d’une déclaration de Bill Gates selon laquelle il ne désirait pas
payer davantage d’impôts. Le quotidien présente deux chiffres : plus de
6 milliards de dollars représentent les impôts dont Bill Gates se serait
acquitté jusqu’à ce jour et 28 milliards de dollars auraient été distribués à
des œuvres charitables, principalement à la Bill & Melinda
Gates Foundation. Le fondateur de Microsoft a toujours dit s'acquitter « volontiers
» de ses contributions au budget public. Pour autant, le milliardaire ne tient
pas à payer plus comme l’adjurait Thomas Piketty : « Son point de vue est
compréhensible », a reconnu Piketty. « Je pense qu'il s'estime
sincèrement mieux placé que le gouvernement pour allouer ses fonds… et par
moments cela se vérifie sans doute ».
Car non content d'être le plus gros contribuable au monde, Gates est aussi
l'homme le plus généreux, ayant distribué près de 30 milliards de dollars. Or
ses priorités sont bien différentes de celles de l'État fédéral américain, dont
les dépenses militaires avalent une importante fraction du budget. A contrario,
la Bill & Melinda Gates Foundation
n'alloue pas d'argent à la défense : elle se consacre à l'éducation et à
la santé. Ainsi donc Bill Gates se substitue largement au gouvernement
lorsqu'il s'agit d'atteindre des objectifs précis, comme celui de lutter contre
la maladie et la pauvreté en Afrique.
Il est important de rappeler deux ordres de grandeur : les dépenses
publiques représentent plus de 30% du PIB aux Etats Unis ; l’ensemble des
contributions charitables ne représentent que 2,3 %. Ce dernier
chiffre est bien supérieur à ce que l’on trouve dans la vielle Europe,
mais il cache un manque à gagner
pour l’Etat puisqu’une des motivations de ces contributions, ce n’est pas la
seule ni la plus importante, est l’avantage fiscal qu’elles entraînent.
Pour faire simple, considérons le cas d’un contribuable dont le revenu
cumulé sur 20 ans est de 50 millions ; on le remarque, ce n’est pas
Monsieur tout le Monde. Sans contributions, il paierait une taxe de 50% et
garderait donc 25 millions, l’Etat disposant ainsi de 25 millions de recettes.
Supposons qu’il décide de consacrer 50% de ses ressources à une œuvre
charitable. A taux de taxation inchangé, il lui reste 12,5 millions, l’Etat touche
aussi 12,5 millions et la fondation charitable 25 millions. Peut-on dire que
c’est une situation win-win ? Sans aucun doute aussi longtemps que ces
contributions sont destinées à des missions socialement utiles, que les frais
administratifs ne sont pas trop lourds et que cela ne justifie pas des baisses de dépenses publiques. Dans cet exemple, la collectivité bénéficierait
de 37,5 millions au lieu de 25 millions. C’est sans doute le cas de la
Fondation Gates, mais il faut bien avouer que de nombreuses fondations ont des
destinations moins altruistes et leurs coûts administratifs sont énormes. Et de
toutes façons, dans le meilleur des mondes, elles ne pourront drainer que des
sommes dérisoires.
(1) http://plus.lefigaro.fr/tag/bill-gatescontre
le VIH.
(2) Giving USA (2013) http://givingusareports.org
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