Victor
Ginsburgh
Le titre
d’un article mis en ligne vendredi serait à mourir de rire s’il n’était pas
tragique : « La zone euro brise le cercle vicieux » (1). Et de
continuer par des discours auto congratulatoires de la BCE et de la Commission
européenne : « La relance des investissements et la chute du pétrole
[sic] devraient donner un coup de fouet à la croissance… La Commission
européenne se joint à son tour à l’élan d’optimisme entourant la croissance sur
le vieux continent. Tous les pays de l’UE devraient sortir de récession cette
année [et] la Grèce croîtra quasiment deux fois plus vite que la moyenne
européenne ».
Ca va lui
donner des ailes à la Grèce de croître de 2,6% en 2015, après une chute de
quelque 25% de son PIB en trois ans, chute épaulée par un taux de chômage de
25% (50% parmi les jeunes) et des soins médicaux qui font que lorsque les
patients arrivent à l’hôpital, ils doivent louer
leur propre infirmière (qui est en général une fausse infirmière, sans le
diplôme requis) pour recevoir les soins de base que le système médical en faillite
ne peut plus assurer. Même les chaises qui permettent aux visiteurs de
s’asseoir auprès de leurs proches dans les chambres d’hôpital doivent être
louées (2).
Comme vous
le voyez, on peut laisser mourir les Grecs dans des hôpitaux sous-encadrés,
mais il faut absolument que les banquiers qui n’arrêtent pas d’aider la Grèce
de façon si généreuse, perçoivent leurs intérêts lorsqu’ils arrivent à
échéance.
Venons-en
à ces généreux banquiers. Voici ce qu’en dit
Kenneth Rogoff, professeur
d’économie à Harvard, qui n’est pas vraiment un gauchiste. En dépit des erreurs
passées des gouvernements grecs, « l’Europe doit être beaucoup plus
généreuse [avec la Grèce] en passant une partie de sa dette par pertes et
profits, et de façon plus urgente, en réduisant les remboursements à court
terme. Disons clairement que les malheurs de la Grèce ne sont pas tous venus du
pays lui-même. D’abord, l’UE a été irresponsable d’admettre la Grèce dans la
zone euro. Ensuite, ce sont les banques allemandes et françaises qui ont
financé la dette grecque, ce qui leur a permis d’engranger des profits énormes.
Il est peu réaliste de croire que la Grèce pourra rembourser ce qu’elle doit à
court terme ; il faut espérer qu’elle ne sera pas forcée de sortir de la
zone Euro et cette dernière doit assouplir sa position si elle ne veut pas disparaître
» (3).
Plutarque, Vies des Hommes Illustres de l'UE et de la BCE |
Le prix
Nobel Joseph Stiglitz, pour sa part, suggère que les plans d’austérité ont
rarement réussi à relever un pays, et que même le Fonds Monétaire International
est aujourd’hui prêt à l’admettre. La Grèce (dont il a conseillé le
gouvernement en 2010) qui a soigneusement suivi les recommandations des trois
génies de la troïka (la Commission Européenne, la Banque Centrale Européenne et
le Fonds Monétaire) se retrouve avec une augmentation de 35% de son ratio
dette/PIB par rapport à la situation de départ. Ce qui est nécessaire écrit Stiglitz,
c’est « une refonte complète de la politique de la zone Euro dont les
performances se sont révélées spectaculairement mauvaises [the monetary’s union
spectacularely bad performance]… c’est l’Europe tout entière qui est
responsable de ce qui est arrivé, et pas la seule Grèce. Ce qui serait immoral,
ce n’est pas la restructuration de la dette, mais le refus de la restructurer.
Si l’Europe dit non aux électeurs grecs qui veulent un changement, elle dit
aussi que la démocratie n’a pas d’importance, une fois qu’il est question
d’économie » (4).
Et de
conclure « il faut espérer que ceux qui comprennent les aspects
économiques de la dette et de l’austérité, et qui croient aux valeurs
démocratiques et humaines vont vaincre ».
Mais dans
le monde actuel, on sauve, hélas, plutôt les banques que les vies…
(1) Cédric
Boitte, La zone euro brise le cercle vicieux
(2) Danny
Hakim, Greek austerity spawns fakery: playing nurse, New York Times, February 7, 2015. Voir http://www.nytimes.com/2015/02/08/business/greek-austerity-spa…se.html?emc=edit_th_20150208&nl=todaysheadlines&nlid=33216102
(3) Kenneth Rogoff, What is plan B for Greece? http://www.project-syndicate.org/commentary/greek-exit-syriza-troika-negotiations-by-kenneth-rogoff-2015-02
mais comment aucun journal (français) ne dit la moitié du quart de ce que tu dis (et que Jo avait annoncé!). Ah, ils sont financés par les banques?
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