Pierre Pestieau
Le Bureau fédéral du Plan et la Direction générale
Statistique viennent de mettre à jour leurs perspectives démographiques (1). Une
de leurs prévisions les plus intéressantes est la croissance rapide des ménages
isolés. Les Belges vivraient de plus en plus vieux mais aussi de plus en plus
seuls. L’espérance de vie à la naissance passerait de 77,9 ans en 2013 à 86,3
ans en 2060 pour les hommes et de 82,9 ans à 88,4 ans pour les femmes.
L’espérance de vie à 65 ans passe de 17,2 ans en 2013 à 23,3 ans en 2060 pour
un homme et de 20,6 ans à 25,1 ans pour une femme.
Le nombre de ménages isolés augmente de 50% en 2060 par
rapport à 2014. Cette hausse s’explique par le vieillissement de la population
mais également par l’augmentation du nombre d’individus d’âge actif vivant dans
un ménage d’une personne (par choix, ou suite à une séparation).
Clairement
une telle analyse est réductrice. Il faut en effet étudier le pourquoi de cet
isolement. Pour rendre les choses simples, on prendra deux causes typiques, le
veuvage et le divorce. Dans le cas du veuvage, on peut penser qu’à la perte matérielle,
s’ajoute une peine morale sans doute plus importante. On pourra parler à ce
propos de double peine. En revanche, s’il s’agit d’un divorce librement
consenti qui met fin à un état de guerre douloureux et rend aux deux
ex-conjoints une liberté à laquelle ils aspiraient, on peut parler de gain. Si
leur décision est rationnelle, il est vraisemblable que leur décision de
divorcer résulte d’une comparaison entre les coûts et les gains psychologiques attendus
d’une séparation. Dans ce cas, la perte financière pourrait se voir totalement neutralisée
par le gain psychologique.
Pour évaluer
les coûts réels de ces 81 000 situations de ménages isolés, il faudrait donc
procéder à une taxinomie des causes de séparation et pour chacune mesurer les
gains ou les pertes psychologiques. Cet exercice dépasse bien sur le propos de
ce blog.
La question
que cette évolution pose dans des pays où l’on manque cruellement de logements,
ce qui rend la séparation encore plus coûteuse, est d’imaginer des modes de vie
qui puissent faire bénéficier à des isolés des avantages de la vie à plusieurs.
Un retour à la collocation tellement répandue chez les étudiants du supérieur
serait une solution. Les séries télévisées américaines sont pleines de ce type
de cohabitation à commencer par une très ancienne série « The odd
couple » où l’on voit deux hommes divorcés partager un appartement qu’ils
n’auraient pu se payer séparément.
(1)
http://www.plan.be/admin/uploaded/201503170937470.FORPOP1460_10926_150310_F.pdf
Bravo pour cette fine analyse, volontairement succincte dans le cadre de ce blog mais très éclairante et qui donnera, je l'espère, envie aux jeunes chercheurs de suivre les pistes que tu suggères, voire, on peut rêver! faire réagir les pouvoirs politiques à courte vue sur la base d'analyses quantifiées.
RépondreSupprimerLe danger de la solitude, vient de l'isolement dans lequel certains s'enferment à la suite de deuils ou de séparations douloureuses d'avec un conjoint ou ses enfants, voire de certains collègues et/ou amis. Ils n'ont pas envie alors de s'ouvrir à des possibilités de rompre avec la solitude qui renforce leurs peines et dont tu suggère certaines.
Pour la petite histoire, la série « The odd couple » connaît une nouvelle jeunesse puisqu'elle est à nouveau adaptée à la télévision.
RépondreSupprimerAussi, un autre coût de la solitude est la situation médicale des isolés. Combien de ceux-ci auraient pu être sauvés s' ils avaient eu un conjoint à leurs côtés?