Pierre Pestieau
Il y a quelques années, je me
promenais a Munich avec un économiste américain de la côte est. Brusquement, il
m’interpelle sur la faible fécondité des Allemands. Comment expliquer qu’une
nation historiquement fière de son histoire à un point qui frisa la catastrophe
à plusieurs reprises accepte de lentement disparaître. Avec le taux de fécondité
qui est le sien aujourd’hui, sa population pourrait être réduite de moitié
avant la fin du siècle. De 20% en 2060. Certes l’immigration peut mitiger cette
évolution mais seulement partiellement. Pourquoi n’observe-t-on pas un
sursaut de la part d’une société
dont les membres sont sûrement opposés à ce qu’à terme elle meure ?
Cette remarque peut s’appliquer à d’autres nations frappées par le phénomène
de dénatalité, à commencer par le Japon. Il est difficile d’expliquer les mécanismes
déterminant la fécondité. Votre coiffeur ou votre chauffeur de taxi a certainement
une idée définitive et simple sur la question : c’est la religion, c’est
la politique familiale, c’est le travail des femmes combiné avec l’absence de crèches
et de garderies, c’est une question de revenu. Mais on sait qu’aucune de ces
explications n’est pertinente. Il faudrait sans doute s’appuyer sur toutes
celles-là et bien d’autres, mais dans quelle proportion ?
Pour revenir à l’Allemagne, il est clair que l’on assiste ici à un phénomène
de passager clandestin. Chacun veut qu’il y ait plus d’enfants mais on compte
sur l’autre pour en supporter la charge. Il est aussi clair que cette dénatalité
ne vient pas d’une rationalité collective qui conclurait à la surpopulation de
notre planète et à la nécessité de réduire la population mondiale. Bien sûr, le
mouvement écologique a toujours été vivant en Allemagne mais il demeure extrêmement
minoritaire et ne semble pas jouer sur les comportements de fécondité.
Si le patriotisme ou le nationalisme ne semblent pas conduire à un souci
collectif de maintenir, voire d’accroître la population
d’un pays, le fondamentalisme semble être un facteur déterminant de forte fécondité.
De nombreuses études empiriques indiquent que quelle que soit la religion, la
pratique radicale conduit à des comportements natalistes extrêmes. Et si dans
toutes les religions, la proportion de fondamentalistes s’accroît, ce n’est pas
à cause de conversions, que du contraire, mais à cause de taux de fécondité
hors norme. Cela a conduit certain analystes politiques (1) à appréhender que
la terre soit un jour dominée par les fondamentalistes de toutes
religions : chrétiennes, catholiques, juives et musulmanes.
Deux raisons à cela. D’abord il y
l’idéologie patriarcale qui caractérise ces groupes religieux et qui réduit la
femme à ses fonctions traditionnelles, les trois K, Kinder, Küche und Kirche, que l'on traduit en français par « enfants, cuisine et
église ». Autre raison, le prosélytisme qui est inhérent aux
fondamentalistes. Ils renoncent à convertir et préfèrent diffuser leurs
convictions en se multipliant à l’envi.
Une raison de plus d’être optimiste.
(1) Eric Kaufmann,
Shall
the fundamentalists inherit the earth?, Profile Books, 2011
http://www.amazon.com/Shall-Religious-Inherit-Earth-Twenty-First/dp/1846681448
Merci pour cet article
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