lundi 15 février 2016

Fécondité, nationalisme et religion

Pierre Pestieau

Il y a  quelques années, je me promenais a Munich avec un économiste américain de la côte est. Brusquement, il m’interpelle sur la faible fécondité des Allemands. Comment expliquer qu’une nation historiquement fière de son histoire à un point qui frisa la catastrophe à plusieurs reprises accepte de lentement disparaître. Avec le taux de fécondité qui est le sien aujourd’hui, sa population pourrait être réduite de moitié avant la fin du siècle. De 20% en 2060. Certes l’immigration peut mitiger cette évolution mais seulement partiellement. Pourquoi n’observe-t-on pas un sursaut  de la part d’une société dont les membres sont sûrement opposés à ce qu’à terme elle meure ?


Cette remarque peut s’appliquer à d’autres nations frappées par le phénomène de dénatalité, à commencer par le Japon. Il est difficile d’expliquer les mécanismes déterminant la fécondité. Votre coiffeur ou votre chauffeur de taxi a certainement une idée définitive et simple sur la question : c’est la religion, c’est la politique familiale, c’est le travail des femmes combiné avec l’absence de crèches et de garderies, c’est une question de revenu. Mais on sait qu’aucune de ces explications n’est pertinente. Il faudrait sans doute s’appuyer sur toutes celles-là et bien d’autres, mais dans quelle proportion ?

Pour revenir à l’Allemagne, il est clair que l’on assiste ici à un phénomène de passager clandestin. Chacun veut qu’il y ait plus d’enfants mais on compte sur l’autre pour en supporter la charge. Il est aussi clair que cette dénatalité ne vient pas d’une rationalité collective qui conclurait à la surpopulation de notre planète et à la nécessité de réduire la population mondiale. Bien sûr, le mouvement écologique a toujours été vivant en Allemagne mais il demeure extrêmement minoritaire et ne semble pas jouer sur les comportements de fécondité.

Si le patriotisme ou le nationalisme ne semblent pas conduire à un souci collectif de maintenir, voire d’accroître la population d’un pays, le fondamentalisme semble être un facteur déterminant de forte fécondité. De nombreuses études empiriques indiquent que quelle que soit la religion, la pratique radicale conduit à des comportements natalistes extrêmes. Et si dans toutes les religions, la proportion de fondamentalistes s’accroît, ce n’est pas à cause de conversions, que du contraire, mais à cause de taux de fécondité hors norme. Cela a conduit certain analystes politiques (1) à appréhender que la terre soit un jour dominée par les fondamentalistes de toutes religions : chrétiennes, catholiques, juives et musulmanes.
Deux raisons à cela. D’abord il y l’idéologie patriarcale qui caractérise ces groupes religieux et qui réduit la femme à ses fonctions traditionnelles, les trois K, Kinder, Küche und Kirche, que l'on traduit en français par « enfants, cuisine et église ». Autre raison, le prosélytisme qui est inhérent aux fondamentalistes. Ils renoncent à convertir et préfèrent diffuser leurs convictions en se multipliant à l’envi.

Une raison de plus d’être optimiste.

(1) Eric Kaufmann, Shall the fundamentalists inherit the earth?, Profile Books, 2011

http://www.amazon.com/Shall-Religious-Inherit-Earth-Twenty-First/dp/1846681448

1 commentaire: