Victor Ginsburgh
Le grand physicien allemand Max Planck, qui est à l’origine de la théorie
des quanta, a du mal prendre les plaisanteries d’Einstein, qui aurait, en 1927,
dit que « Dieu ne joue pas aux dés » pour exprimer sa méfiance à
l’égard de l’interprétation probabiliste de la mécanique quantique. Ce n’est
donc pas étonnant que Planck, un luthérien qui croyait en l’existence d’un
créateur, ait pu écrire :
« Une nouvelle théorie
scientifique ne triomphe pas parce ses tenants convainquent ses opposants en
leur faisant voir la lumière, mais plutôt parce que les opposants finissent par
mourir, ce qui permet à une génération plus jeune et familière avec cette nouvelle théorie, de s’exprimer ».
Trois économistes (1) ont essayé de tester si Planck avait raison. Le
principe qu’ils utilisent est subtil. Ils examinent comment le départ pour
l’éternité de quelque 450 éminents chercheurs a modifié la vitalité du domaine
dans lequel ils ont travaillé durant les dernières années de leur vie. Et ils
découvrent que leurs « découvertes » disparaissent du fait que leurs
collaborateurs cessaient de publier sur la question. Par contre, ce déclin est
plus que compensé par le nombre de publications de ceux qui n’ont pas collaboré
avec la star disparue.
Il faudrait par conséquent faire la chasse aux vieux professeurs qui traînent
dans les couloirs des universités et empêcheraient les jeunes de s’épanouir alors
qu’ils pourraient renouveler le domaine.
Planck avait sans doute raison, mais pas dans tous les cas. Il y en a au moins un dont
on a envie de dire que c’est un cas d’école. Un professeur de médecine dans une
université belge s’est fait éjecter de son laboratoire parce qu’atteint par une
crise aigüe d’âge critique. Un aimable collègue, professeur d’une autre
université belge, lui a proposé de le rejoindre dans son laboratoire, ce que le
premier a accepté. Et le prix Nobel de Médecine a été décerné à la paire durant
l’année qui a suivi le déménagement du premier. Mais il faut reconnaître qu’il
n’y a quand même pas beaucoup de Prix Nobel, bien moins que ceux qui se font
éjecter, donc le risque d’éjecter à tort reste très faible.
Je termine ce blog avec un petit pincement lié à un petit doute. C’est mon
excellent ami A.E., mais néanmoins collègue, qui a attiré mon attention sur
l’article d’Azoulay, Fons-Rosen et Graff Zivin (2015) qui aborde cette question. Dois-je le remercier, ou
m’a-t-il fait un subtil et discret signe qu’il était temps que je dégage le
plancher de mon bureau ?
(1) P. Azoulay, C. Fons-Rosen
and J. Graff Zivin, Does science advance one funeral at a time?, NBER Working
Paper Series 21788, December 2015. La phrase de Max Planck que je viens de
citer figure en épigraphe de leur texte. Elle est tiré de l’ouvrage de Max
Planck, Scientific Autobiography and
Other Papers.
tu restes à ta place et tu complexes pas: y'en a pas deux comme toi!
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