Pierre Pestieau

Loin de moi l’idée de nier qu’il y a
dans notre pays une pauvreté insupportable et une concentration des richesses intolérable.
Il demeure que nous supportons l’une et tolérons l’autre.
Quand on lit dans un journal que la pauvreté touche 1 enfant sur
4 en Wallonie, 2 sur 5 à Bruxelles (1), il faut s’entendre sur la manière
dont ces chiffres sont calculés. Il s’agit du revenu des parents divisé par la
taille de la famille dûment pondérée. Pour une famille comprenant deux parents
et 4 enfants on divisera le revenu par 3,7 (1 pour le premier parent, 0,7 pour
le second et ½ par enfant). Si ce revenu est en dessous du seuil de pauvreté,
typiquement 60% du revenu médian, on comptera ces 4 enfants comme pauvres. Ce
n’est pas déraisonnable mais il faut prudence garder. Je me suis souvent dit
que j’aurais été compté comme un enfant pauvre alors que mes 9 frères et soeurs
et moi-même ne manquions de pas grand-chose. Et pourtant. Le revenu de mes
parents agriculteurs divisé par 6,7 aurait certainement été bien en-deçà du
seuil de pauvreté de l’époque. Mon propos est que la pauvreté des enfants ne
peut pas être réduite au pouvoir d’achat de leurs parents mais à d’autres
dimensions aussi importantes comme la nutrition, la santé et l’éducation. Si on
tenait compte de ces dimensions, le chiffre serait peut être aussi accablant
mais au moins il serait plus pertinent.

Il ne s’agit pas ici de nier la pauvreté
des enfants ou la concertation du patrimoine mais pour lutter contre ces deux
maux il importe de bien les appréhender.
Dans la série télévisée britannique Le
Prisonnier, le personnage principal ne cesse de répéter « Je ne suis pas un
numéro ». Dans la même ligne beaucoup de pauvres pourraient nous rappeler
qu’ils ne sont pas une moyenne. Les données sur la pauvreté en Belgique ne cessent
de nous interpeller. Certes les taux de pauvreté que connaissent la Belgique et
la France sont élevés par rapport à leurs voisins du nord. Ce qui surprend
c’est leur apparente stabilité. Que la pauvreté soit mesurée objectivement
(avec un seuil égal au 2/3 du revenu médian) ou subjectivement (sur base de
questions sur la possibilité de nouer les deux bouts) son taux est stable
depuis de nombreuses années. Cela semble contredire ce qui se lit dans les
journaux et ce que l’on observe chaque jour : les SDF et les mendiants
plus nombreux que jamais, les restos du cœur et autres soupes populaires
attirant de plus en plus de monde, des personnes âgées qui n’ont pas les moyens
de se chauffer. Est-ce à dire que les statistiques sont erronées ? Je ne le pense pas ; elles ont le
seul défaut de ne représenter que la moyenne et de ne pas révéler les
conditions extrêmement pénibles que connaissent certaines catégories sociales.
(2) Marianne, 980,
22-28 janvier 2016.
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