Pierre Pestieau
Je me souviens d’un professeur du secondaire qui nous avait longuement parlé
de la chute de Constantinople. Selon lui, alors que Constantinople était
assiégée par les Ottomans et allait tomber quelques semaines plus tard, la
population se déchirait à propos du sexe des anges. Il est difficile de ne pas
rapprocher cette évidente absurdité et ce qui se passe maintenant en France,
plus que jamais fille ainée de l’Eglise,
avec l’affaire du Burkini. Alors que le pays est littéralement assiégé par une multitude de problèmes, il se passionne pour une bêtise qui afflige le reste
de la planète, comme le fait remarquer Victor avec humour et en payant de sa
personne.
Il y a pourtant des débats qui valent la peine d’être menés. Par exemple la
chaîne M6 devait-elle diffuser la “Rue des Allocs”
le 17 août ? Ce documentaire était consacré aux habitants du quartier
Saint-Leu, à Amiens. “Une enclave de pauvreté” dans la ville picarde, annonçait
le communiqué de presse de la chaîne, qui décrit un “quartier ouvrier frappé par la crise de
2008”, un “chômage endémique”, de la “misère”, mais aussi des “tranches de vie
touchantes”, “sans fard”. En bref, la pauvreté comme si vous y étiez.
Ce documentaire est la version picarde de "Benefits Street"
(littéralement, “rue des Allocations”), tournée à Birmingham en 2014 et diffusée
par la chaîne publique britannique Channel 4. Elle y connut tout à la fois un succès
et un tollé retentissants.
D’emblée, je dois admettre que je n’ai pas vu ce documentaire. J’en ai vu
de larges extraits. Je me contenterai de faire quelques réflexions sur l’utilité
de tels programmes. Première observation, la précarité est peu représentée à la
télévision et quand elle l’est, elle l’est mal. Au cinéma, grâce à des auteurs
comme Ken Loach on est mieux servi. Deuxième remarque, du fait que la
« Rue des Allocs » est diffusée par une chaîne connue pour ses téléréalités
trash, il est difficile d’éviter un a priori défavorable. Ceci dit, la précarité
est une réalité dont la plupart d’entre nous avons une mauvaise perception qui
peut aller de la compassion extrême à la culpabilisation facile. Dans cette émission,
on nous montrait tout à la fois la manière dont les pauvres se débrouillent par
la solidarité et les combines et la
malchance qui les accable.
On sait que vis-à-vis de la précarité, de l’invalidité et du chômage, deux
attitudes extrêmes s’opposent : d’une part, ils (les pauvres, les
chômeurs, les handicapés) sont responsables de ce qui leur arrive et d’autre
part, ils n’ont pas de chance et de ce fait doivent être aidés, d’autant que ce
la pourrait nous arriver. De ce que j’ai vu du documentaire, la première
attitude me semble avoir été malheureusement privilégiée.
Quoi qu’il en soit, nous avons ici un sujet de débat. Faut-il davantage
montrer la réalité de la précarité sur nos antennes et dans l’affirmative,
comment ? Ca vaut mieux que de discuter 70 ans après l’introduction du
bikini sur les plages des dangers que le burkini fait peser sur la société française.
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