Pierre
Pestieau
Une
des limites du libéralisme en matière de santé se manifeste au travers de l’existence
croissante de déserts médicaux. On entend par là des
zones du territoire où la concentration de professionnels et d'établissements
de santé est insuffisante par rapport aux besoins et à la réalité démographique
du territoire, ou tout du moins inférieure à la moyenne du pays. Cette
désertification médicale touche en particulier — pour des raisons de plus
faible attractivité — les zones rurales et les banlieues des grandes villes. Des
mesures sont régulièrement prises au plan local et national pour lutter contre
ce phénomène qui sans nul doute contribue à la fracture sociale, à ce sentiment
d’abandon dont peut souffrir une population qui se sent une fois de plus délaissée
par la « métropole ». Une fois de plus, car il existe d’autres raisons
de se sentir abandonné avec la disparition des boulangeries et des épiceries,
avec l’absence d’accès à internet, avec les écoles qui s’éloignent et les
transports publics qui se font rares.
Pour revenir aux déserts médicaux, il faut
sans doute distinguer la pénurie de médecins et la fermeture de petits hôpitaux.
Celle-ci peut se justifier pour des raisons de santé publique dans la mesure ou
une masse critique est indispensable pour assurer la qualité des soins. C’est
cette logique qui a présidé à la fermeture de nombreuses petites maternités.
Ce qu’il faut dans ce cas c’est assurer un service efficace de
transport de malades.
La pénurie de médecins relève d’une autre
problématique. Elle s’explique par le manque d’attractivité d’une patientèle en
milieu rural. Il importe d’encourager les
nouveaux praticiens à s’installer dans des territoires fragiles en échange
d’avantages fiscaux. D’autres solutions existent. En échange de la gratuité des
études de médecine, le jeune diplôme serait tenu d’exercer ses talents en milieu
rural pendant une certaine période. Cette solution est moins réaliste dans un
pays ou les études universitaires sont quasiment gratuites. Si rien n’est fait
la situation risque d’empirer. Le processus de désertification est progressif.
Dans les zones les plus isolées, le personnel est composé d’anciens médecins
libéraux âgés. Attachés à leur patientèle, ils repoussent leur retraite et
peinent à trouver un successeur. Plus la zone manque de professionnels de
santé, plus ceux en activité voient le nombre de leurs patients augmenter.
D’aucuns pourraient
objecter : « A qui la faute. Ceux qui décident de vivre loin de toute
agglomération doivent en payer les conséquences ». Cet argument peut sans
doute s’appliquer aux nouveaux venus qui prendraient leur décision en
connaissance de cause mais certainement pas à ceux qui sont implantés dans
leurs petits villages depuis des siècles. Et distinguer les uns des autres
n’est pas chose aisée. En outre, l’Etat et donc l’ensemble de la société
peuvent choisir de préserver une certaine ruralité pour des raisons écologiques
ou touristiques.
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