mardi 3 octobre 2017

Les femmes saoudiennes pourront enfin conduire. Pourquoi ?

Victor Ginsburgh

Enfin, les femmes pourront conduire en Arabie Saoudite dès juin 2018. Un lecteur de
l’article publié par le journal de gauche israélien Haaretz qui s’interrogeait dans son titre sur la raison pour laquelle les choses avaient changé (1) commente ironiquement « La vraie raison », écrit-il, « est peut-être d’humilier les religieux israéliens qui interdisent à leur épouse de conduire… ».

Evidemment, le nouveau prince qui succédera au roi doit établir sa renommée et faire preuve de modernité. La nouvelle disposition va avoir des conséquences économiques assez sérieuses, dont certaines seront positives, d’autres beaucoup moins, en particulier pour les étrangers établis en Arabie.


L’Arabie compte quelque 10 millions de femmes âgées de vingt ans et plus, ce qui ouvrira à plus ou moins long terme un marché conséquent à l’industrie automobile, aux assurances… et aux garages.

Ces 10 millions de femmes auront donc accès au marché du travail sans devoir faire appel au chauffeur de famille engagé pour les transporter. Chaque famille économisera ainsi quelque $500 par mois de salaire versé à ces 1,4 millions de chauffeurs, souvent étrangers, qui sont aussi logés et nourris, soit près de $10 milliards de revenus en moins pour les étrangers. Ceci les amènera sans doute à rentrer au pays, et provoquera une perte de revenu pour l’Arabie, et pour leurs familles auxquelles ils envoyaient une partie de leurs salaires. Des effets dits « d’équilibre général », qu’il est difficile d’estimer au dos d’une enveloppe.

Il aurait sans doute été plus simple et utile, mais moins ostentatoire, de permettre aux femmes de faire les choses suivantes sans autorisation maritale (2) :

(a) s’habiller comme elles veulent ; le code vestimentaire est soumis à la Sharia qui oblige les femmes à se vêtir d’une abaya (longue robe foncée) et à se voiler ;
(b) divorcer ;
(c) obtenir, après un divorce, la garde des enfants après un certain âge (7 ans pour les garçons, 9 ans pour les filles) ;
(d) interagir avec des hommes qu’elles ne connaissent pas ; dans les restaurants, il y a des sections pour hommes et pour femmes lorsqu’elles y viennent sans être accompagnées ;
(e) se doter d’une carte d’identité ou d’un passeport ;
(f) voyager dans un pays étranger ;
(g) être une responsable officielle du gouvernement ;
(h) interdites dans les piscines où nagent aussi des hommes ;
(i) ouvrir un compte banque (ce qui a d’ailleurs longtemps été le cas en Europe aussi, ne nous voilons pas trop la face…) ;
(j) en cas d’héritage, elles ont droit à la moitié seulement de la part de chacun de leurs cohéritiers masculins ;
(i) travailler. Elles peuvent le faire, mais certains employeurs exigent l’autorisation du mari ; c’est illégal, mais n’est pas poursuivi par la justice ;
(k) finalement, les prendre au sérieux devant les tribunaux ; aujourd’hui leur parole vaut la moitié de celle d’un homme (pas très clair comment on mesure cela).

Arabie heureuse (felix), disaient les Romains du Yemen actuel, précisément le pays que l’Arabie actuelle n’arrête pas de bombarder. Une chose autrement sérieuse dont aurait pu se soucier le nouveau prince. Comme de la suppression de la décapitation d’ailleurs.

(1) The real reason Saudi Arabia will let women drive and it’s not about women’s rights, Haaretz, September 27, 2017.


(2) Jack Moore, Saudi women can now drive, Newsweek, September 27, 2017

1 commentaire:

  1. autrement sérieuse......c'st vrai que l'égalité femmes /hommes c'est pour rigoler quand les grands économistes mâles n'ont rien d'autre à dire

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