jeudi 26 octobre 2017

Les propos fumeux de certains qui se disent économistes

Victor Ginsburgh

Les économistes racontent beaucoup de bêtises. Une partie de celles-ci est due à la méconnaissance de ce qui se rapprochera peut-être un jour d’une science. J’ai déjà entendu beaucoup de sottises, mais celles qui sont rapportées dans un article publié par L’Echo du ** septembre 2017 par XY qui se dit économiste et anthropologue, sont un chef-d’œuvre à nul autre pareil.

Cet économiste-anthropologue se demande comment on peut gérer le risque financier et pose, naturellement, comme question « est-ce que les économistes ont une bonne réponse ». Je pensais qu’il utiliserait des arguments anthropologiques, politiques, sociologiques, voire, économiques pour expliquer ce qu’il en est. Non, en toute prudence, parce qu’il pense ainsi être scientifique, il se retranche derrière des arguments faisant parti de la physique théorique, qui est elle-même à la recherche d’une cohérence entre physique relativiste et physique quantique.


Voici les arguments de XY suivis de mes réactions.

(a) « La science économique suppose qu’[on peut gérer le risque]. C’est même le fondement d’un de ses piliers, la théorie des anticipations rationnelles, qui suppose qu’une connaissance parfaite du présent permet une connaissance parfaite de l’avenir, une conception laplacienne du monde, démentie au début du 20ème siècle par la mécanique quantique et par la théorie du chaos ensuite ».

Monsieur XY n’a pas compris que l’hypothèse d’anticipations rationnelles au sens large. Elle dit simplement que les agents économiques peuvent, sur base de leur expérience passée, « deviner » un peu du futur, et en particulier, ne pas se laisser surprendre par la façon dont les autorités publiques pourraient réagir devant un événement. Ce qui enlève toute « surprise », parce que les agents s’y sont préparés et que les actions (notamment keynésiennes mais autres aussi) ont beaucoup moins d’effet le jour où elles sont prises. Elles ont été « anticipées de façon rationnelle ». Le rôle du gouvernement (et des banques centrales) se trouve donc sérieusement limité. Rien à voir avec la « mécanique quantique ou la théorie du chaos ». 

(b) « D’autres piliers de la science économique ont également été démentis par la physique. Ainsi la possibilité même d’un système économique à l’équilibre, impossible à réaliser du fait que l’économie est un système dissipatif captant l’énergie de l’extérieur et soumis à l’entropie, à la déstructuration inéluctable ».

Monsieur XY n’a pas davantage compris que les économistes savent très bien qu’un système n’est jamais à l’équilibre, mais le modèle théorique permet d’étudier ce que seraient les propriétés si l’on pouvait être à l’équilibre et donc, en principe, si l’on n’en est pas très éloigné. Rien à voir avec « l’entropie et la déstructuration inéluctable ».

(c) « Une conclusion s’impose [dès lors] : l’évaluation correcte du risque financier ne sera possible que lorsque nous aurons appris à penser les théories économiques, financières, politiques et sociales comme un seul ensemble ».
Monsieur XY devrait ajouter à ses plumes d’économiste et d’anthropologue celle de physicien. Au moins il ne maltraiterait pas la physique. Tout en appelant la physique à son secours, avec des arguments pas très convaincants, il conclut que l’évaluation correcte du risque financier pourrait être appréhendée si « les théories économiques, financières, politiques et sociales pouvaient être considérées comme un ensemble ».  Il ne convie donc pas à la surprise-party ceux dont il dit qu’ils pourraient résoudre tous les problèmes rencontrés en économie : les physiciens eux-mêmes.


Consacrez-vos talents à l’anthropologie qui donne une vue bien intéressante de la société, cher Monsieur XY, nous avons assez de sots parmi les économistes, n’en rajoutez pas un de plus.

3 commentaires:

  1. mais qui est donc ce mystérieux mr XY??

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  2. Pourquoi est-ce que l'oncle Paul est presente comme etant un Economiste? Fort decevant de la part de L'Echo et "du Monde".
    Cedric
    Physicien et Economiste

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  3. Cela me rappelle mon cours de philosophie de l'économie qui invoquait le concept (remontée) d'entropie sociale ans une définition de la calorie sociale. Idem pour le degré adiabatique, etc, etc ... La compartimentalisation des savoirs est peut-être un obstacle à l'étude des phénomènes sociaux mais un peu de méthode évite les confusions et les concordismes hâtifs.

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