Pierre Pestieau
Au cours de récents voyages dans différents pays, je suis régulièrement
interpellé par une amie qui m’accompagne sur la chance que nous avons d'avoir des
aristocrates et autres riches bourgeois pour s’être fait construire des
habitations fastueuses qui sont devenues des musées abritant des œuvres
uniques. Il est en effet évident que si nous vivions au sein d’une société
quasi égalitaire, dans laquelle chacun posséderait son petit pavillon, ce type
de bâtiments manquerait cruellement.
Mais il est difficile d'imaginer une telle société sans Etat, qui serait
d'ailleurs le garant de cette quasi égalité. Cet Etat aurait d’autres
fonctions, dont celle de fournir les biens et les services collectifs que le
marché ne peut fournir. Les biens culturels sont des exemples classiques de
biens publics dont la fourniture se heurte au phénomène du comportement de
« passager clandestin ». Il
est en effet tentant et rationnel de chercher à bénéficier de l’usage
de ces biens sans contribuer à leur financement. Le marché se révèle défaillant
et ne peut en assurer la production spontanément. D’où le besoin d’Etat.
C’est d’ailleurs ce que fait l’Etat dans la plupart des pays où les musées,
contenants et contenus, sont publics. Le privé n’en représente qu’une portion
congrue même si sa visibilité est bien plus élevée que son importance réelle.
Cette espèce d’engouement que notre société manifeste vis-à-vis de la philanthropie
et du mécénat est irritante. Elle se retrouve dans deux populations distinctes
qui ensemble représentent un nombre important d’individus. Il y a d’abord les libéraux
qui sont en faveur du démantèlement d’un Etat actif et qui insiste sur les
vertus de l’initiative privée en soulignant le double dividende qu’entraînent
ces initiatives philanthropiques : le donneur est content de donner et le
bénéficiaire de recevoir. Il y a par ailleurs ceux qui ont une vision étroite
de la réalité et se laissent impressionner par telle ou telle collection privée
oubliant la richesse de leurs musées nationaux.
J'ai été choqué à cet égard par un supplément récent du Monde du jeudi 12 octobre, qui chantait
les bienfaits de la philanthropie. Le journal lui prêtait toutes les vertus.
Elle allait résoudre tous les problèmes de ce monde, la faim et la maladie tout
particulièrement. Le titre de l’article phare de ce supplément était on ne peut
plus ambigu : « Exit la charité, les riches investissent désormais
plus qu'ils ne donnent ». Le Monde a cependant eu l’honnêteté de citer une étude récente de l’OCDE qui
évaluait le montant de l’aide privée et publique au développement : 7,6
milliards de dollars pour les dons privés contre 143 milliards pour les
gouvernements.
Nous vivons une époque où les
inegalités de revenus et la concentration de la richesse atteignent des sommets
indécents. Va-t-on se réjouir de cette evolution au nom de la philanthropie
accrue qu’elle permet ?
Cher Pierre,
RépondreSupprimerMerci pour ton texte, salutaire. Il m'a fait penser à une personne non dépourvue de qualité réputée pour être un généreux mécène mais dont le patrimoine est structuré de telle manière qu'il fait des économies de précompte mobilier qui sont un multiple de ce qu'il donne à des fins philanthropiques. Bien sûr, il aurait pu ne rien donner du tout mais de là à porter ce type de mécénat au pinacle, il y a un pas. Donc, encore merci !
Etienne
Qui doit décider des priorités et choix sociaux, les Fondations ou les Parlements ?
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