J’ai la conviction que nos sociétés
auraient sans doute gagné à éviter la vague de privatisation qu’elles ont
connue ces dernières décennies. Trois motivations peuvent expliquer cette
déferlante. D’abord, une motivation idéologique. Les idées néolibérales qui se
sont répandues avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan et de Margaret
Thatcher ont amené à nous faire croire que tout ce qui était public était
inefficace. Ensuite, il y avait une série de problèmes politiques qui ont
empêché les entreprises publiques d’évoluer pour répondre aux besoins du
moment. Ajoutons à cela, le besoin de liquidités pour des Etats gravement
endettés. On notera cependant que la plupart des privatisations se sont
produites sans que ne soient effectuées de sérieuses études permettant de
jauger la performance des entreprises publiques qualifiées d’inefficaces sans
autre forme de procès.
Il y a peu à dire sur les raisons
idéologiques qui ont présidé à cette vague. A cette époque, la majorité des
citoyens s’est mise à douter des bienfaits de l’Etat providence. Les valeurs
d’équité et de cohésion sociale qu’il incarnait et les objectifs de
redistribution et de protection contre les risques de la vie qu’il poursuivait
ne convainquaient plus. Il était facile d’imputer à l’Etat providence le
ralentissement de la croissance et la persistance des inégalités sociales tout
en promettant que le marché pouvait résoudre tous les problèmes.
Comme autre motivation, il y
avait l’idée qu’il n’était pas possible de réformer les entreprises publiques
pour diverses raisons dont nous citerons les plus importantes. Certaines
missions de service public entraînaient des coûts que pouvait éviter une
entreprise privée. Les travailleurs du secteur public bénéficiaient d’avantages
supérieurs à ceux des travailleurs du secteur privé. Ils avaient le statut de
fonctionnaires et jouissaient d’un système de retraite extrêmement favorable.
En les privatisant, on en réduisait automatiquement les coûts mais aussi le
bien-être des employés et la qualité des services. L’absence de concurrence et
la politisation avaient aussi leur coût. Les dirigeants étaient souvent choisis
pour leur appartenance à tel ou tel parti, mais pas pour leur compétence. Ce
qui est regrettable c’est que certains de ces blocages étaient le fait de
personnes qui par ailleurs se voulaient être des défenseurs résolus du secteur
public et en devenaient ainsi les fossoyeurs.
Malheureusement, comme dans le mythe d’Orphée, le retour en arrière n’est
pas possible. Il faut cependant tirer les leçons de ces expériences et il n’est
pas certain qu’on le fasse lorsqu’on voit se développer de nouvelles formes de
privatisation, tels que les fameux partenariats privé-public, ces
« boulets que l’Etat s’accroche au pied » (1). Ces
dispositifs, qui permettent à l’Etat et aux collectivités de s’équiper sans
s’endetter, sont de plus en plus décriés. Régulièrement la presse relate des
situations où en effet la collectivité se fait gruger et les examples
abondent : prisons, autoroutes, parkings, et bien d’autres (2).
Merci Pierre ! La Cour des Comptes européenne vient, elle aussi, de s'exprimer sur les PPP, et ce n'est pas tendre. Pourvu que le "Pacte national d'investissement stratégique" annoncé en Belgique ne leur fasse pas la part belle ...
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