Une anecdote qui
date. La scène se passe à Chicago il y a près de 40 ans. Une dame, qui venait
de fêter son 60ème anniversaire, me dit à ma grande surprise :
« Vivement mes 65 ans » et de m’expliquer tout ce qu’elle attend
de cet âge d’or : la retraite, l’assurance santé gratuite (medicare), les transports en communs
gratuits avec sièges réservés pour les séniors, un nombre limité de chèques
taxi (taxi vouchers) et surtout la considération qui était attachée au statut
de sénior.
Des études
consacrées au bonheur sont venues à bout de mon scepticisme. Je prendrai
l’exemple d’une récente étude sur la population belge (1). Dans ce cas précis
on peut en effet parler de la population belge dans la mesure où les Flamands
et les Wallons sont également (mal)heureux. Ils sont en fait plus heureux que
la moyenne des Européens, mais moins que les Bruxellois. Cette étude (2) révèle
le caractère déterminant de l'âge. De tous les Belges, ce sont les plus de 60
et même de 70 ans qui respirent le plus le bonheur. Les baby-boomers, c’est-à-dire
la génération née après la Deuxième Guerre mondiale, attribuent à leur vie un
score de 7,2 sur 10, nettement plus élevé que les 6,2 des Belges âgés de 35 à
49 ans.
Une explication ? Ce
n’est pas simple. Il y a un effet âge et un effet génération. Pour autant
qu’ils aient la santé et un certain revenu, les séniors ont appris, au fil des
années, à relativiser ; ils sont plus indulgents et se focalisent sur ce
qu’ils veulent vraiment dans la vie. Il y a aussi l’effet génération. Les
séniors ont vécu une jeunesse heureuse ; c’était le temps des trente
glorieuses et des utopies.
Il faut cependant
rester prudent et regarder une autre réalité, celle de la pauvreté, de la
dépendance et la maladie. Certes on vit plus longtemps mais depuis quelques
années l’espérance de vie en bonne santé a, elle, cessé d’augmenter. En dépit
des systèmes de retraite et d’une part importante du patrimoine national détenu
par les séniors, il existe encore des pauvres au-delà de 60 ans et il est
intéressant de noter que si ces pauvres n’étaient pas frappés par une mortalité
précoce, les taux de pauvreté serait encore plus important.
En d’autres termes,
nous avons un exemple typique d’une situation où les moyennes statistiques sont
trompeuses. La société des séniors est divisée en une fraction majoritaire de
gens qui sont heureux, financièrement à l’aise, en bonne santé et entourés
d’amis et d’enfants, et une fraction non négligeable de gens qui ne disposent
pas de ces raisons pour être heureux. C’est à cette fraction que notre Etat
providence doit s’intéresser en toute urgence.
(1) http://www.lalibre.be/actu/sciences-sante/qui-sont-les-gens-les-plu…en-belgique-petite-cartographie-du-bonheur-5aaa4a11cd709bfa6acb5a92
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(2) Réalisée par le professeur Lieven Anneman de
l’Université de Gand
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