Victor Ginsburgh
Elliot Levey |
Elliot Levey, Juif comme son nom l’indique (presque), a épousé Emma Loach
(1), la fille de Ken Loach, devenu, il y a peu, docteur honoris causa de
l’Université libre de Bruxelles. Les Levey ont trois enfants gentiment prénommés
Samuel, Jacob et Benjamin. Des prénoms que, malgré mon hébreu élémentaire, je
devrais pouvoir transcrire en Shmuel, Iakov et Binyamin.
Des prénoms « assez juifs (pretty Jewish) » admet Levey en
ajoutant « que ses enfants ont deux grands-pères dont l’un a épousé une
Juive et l’autre est Ken Loach, ce qui rend les rencontres familiales assez
extrêmes, mais c’est magnifique d’avoir ce mélange » (1).
La mère juive, mais totalement laïque de Levey, a néanmoins éduqué Elliot
dans la foi juive et ses professeurs parlaient Yiddish. « Un jour »,
raconte-t-il, « alors que j’avais sept ans, j’ai été enfermé dans une
chambre de la maison. Puni parce que, lors d’un Seder (repas célébré lors de la
Pâque juive), le rabbin avait découvert que j’avais un chocolat Mars dans la
main » (1).
Pourquoi évoquer tout ceci ?
Parce que Levey est aussi acteur de théâtre. Il a joué plusieurs rôles de
Juifs et de Palestiniens au National Theatre de Londres, ce que sa peau mate,
ses cheveux bouclés et noirs qui lui donnent un air très sémite, lui permettent.
Alors que son beau-père Ken Loach a été déconsidéré il y a quelques
semaines par un certain nombre de juifs belges : Antisémite, antisioniste
et négationniste, disaient-ils, il ne mérite pas les insignes de docteur h. c.
de l’Université libre de Bruxelles.
Entre autres défauts, il avait mis en scène en 1987 une pièce très
controversée, qui avait d’ailleurs été interdite. Considérée comme antisémite,
elle aurait pu « déranger l’ordre public londonien » (2), parce
qu’elle était consacrée à une collaboration entre sionistes hongrois et nazis
en 1944, alors qu’en ce temps-là, la Shoah était en cours avec plus de violence
que jamais.
Accolade des insignes du doctorat h.c. à Ken Loach par le Recteur de l'Université |
En 1999, Elliot Levey remet en scène et joue cette
même pièce de James Allen, qui a pour titre Perdition.
En dépit de sa réputation impeccable d’antifasciste et d’antiraciste, son
auteur, James Allen, était un trotskyste antisioniste (3). Mais, aurait di le Juif Levey, beau-fils de Ken Loach, cette
pièce est « historiquement correcte et pro-juive » (2).
La récente
tempête aurait peut-être pu être évitée si l’information avait été un tant soit
peu vérifiée et circulée correctement. Mais c’est tellement plus facile de
propager des « fausses nouvelles ».
Bref, une
tempête dans un verre d’eau. Ou de bière belge ?
[Ce
texte a aussi paru sur le site web de La
Libre, 14 mai 2018, sous le titre de Le
beau-fils de Ken Loach.]
(1) John Nathan, Meet Ken Loach’s Jewish son-in-law, The Jewish Chronicle, July 22, 2010. https://www.thejc.com/culture/theatre/meet-ken-loach-s-jewish-son-in-law-1.16954
(2) Perdition. Reactions and comments on the play,
1987-2001.
(3) David Cesarini, The Perdition Affair, In R.S. Wistric
(ed.) Anti-Zionism and Antisemitism in
the Contemporary World, Springer, 1990.
Ceci ne devrait-il pas être envoyé à l'ensemble de la communauté universitaire?
RépondreSupprimerCher Victor, merci d'avoir réagi à ce nouvel exemple de tentative de manipulation de l'opinion publique. Une fois de plus des personnes sans scrupule propagent des accusations infondées. Les justifications données pour le projet de création d'un square à la gloire de Lumumba à Bruxelles en sont un autre bel exemple actuel. Les idéologues de tous bords n'ont aucun remord à utiliser la désinformation.
RépondreSupprimerCes démarches de recherche de la vérité sont fondamentalement pacifistes et devrait être plus mises en valeur par nos universités.
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