Pierre Pestieau
L’idée de faire dépendre les droits de succession de l’âge du décès peut
paraître saugrenue. Elle n’est en tout cas mise en œuvre explicitement dans
aucun pays et pourtant il vaut la peine de s’interroger sur ses éventuels mérites.
En réalité, comme souvent en économie, tout dépend du point de vue que l’on
adopte ou plus exactement du critère éthique que l’on choisit. En l’occurrence,
on peut en envisager deux. Le premier qualifié d’utilitariste considère que l’idéal
est de maximiser le bien être attendu alors que le second met l’accent sur le résultat
final et favorise une solution qui traiterait de façon équitable ceux qui ont
la chance de vivre longtemps et ceux qui meurent prématurément.
Si l’on prend le point de vue utilitariste ex ante, il semblerait
souhaitable d’adopter une fiscalité de l’héritage qui soit d’autant plus lourde
que l’âge du décès est bas. La raison est que plus on prend de l’âge, plus le
patrimoine que l’on détient est destiné à ses descendants. En revanche, une
personne plus jeune, âgée de 60 ans par exemple, détiendra une partie
importante de son patrimoine dans l’intention de financer ses vieux jours et d’éventuelles
dépenses exceptionnelles. Or, on sait que l’épargne à finalité altruiste est
beaucoup plus sensible aux droits de succession que l’épargne qui vise à
financer la retraite ou la dépendance. Et selon un vieux principe économique,
la taxation doit être élevée dès lors que l’assiette fiscale est moins affectée
par l’impôt.
Prenons maintenant le point de vue de l’égalité ex post. Dans la société
dans la quelle nous vivons, on considère souhaitable de vivre aussi longtemps
que possible; en d’autres termes, une mort prématurée est pénalisante. Si l’on
veut assurer une certaine équité entre les personnes de longévité différente,
il convient de permettre à ceux qui décèdent prématurément de laisser plus de
patrimoine à leurs proches qu’à ceux qui décèdent tardivement. Ceci sous-entend
que l’utilité du défunt est d’autant plus élevée que le legs qu’il laisse à ses
héritiers est important. Favoriser ainsi ceux qui ont la malchance de décéder
prématurément est plus défendable puisqu’à
la différence de ceux qui vivent longtemps, ils n’ont pas l’opportunité de réaliser
anticipativement des donations, dont la fiscalité est généralement plus légère.
Il existe un autre argument qui va dans le même sens d’une fiscalité plus légère
pour ceux qui meurent prématurément. C’est l’argument qui prend en compte la présence
de survivants sans ressources, typiquement l’épou(se)x au foyer et des enfants
mineurs. Cette présence est d’autant plus probable que la personne décède
prématurément. Il est peut être préférable de ne pas taxer sa succession trop
lourdement alors que le problème ne se pose pas pour des âges plus avancés.
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