dimanche 14 octobre 2018

Et si les pauvres vivaient plus longtemps et avaient plus d’enfants ?

Pierre Pestieau

Selon la Banque Mondiale, un individu vit dans un état « d’extrême pauvreté» s’il vit avec moins de 1,90 dollar par jour. L’extrême pauvreté touche quelque 760 millions de personnes dans le monde, contre 1,9 milliard en 1990. Faut-il s’en réjouir. Oui mais…

D’abord le taux de décélération diminue de manière inquiétante. Ensuite, il faut bien avouer que pour la plupart des pays ce seuil de pauvreté est incroyablement bas (1). Enfin, il semblerait qu’il faille renoncer à l’éradication prochaine de cette extrême pauvreté.


La réduction massive de la pauvreté est souvent présentée comme une des grandes réalisations des organisations internationales telles que l’UNICEF, la Banque Mondiale et la Fondation Gates.

Il faut nuancer cette conclusion empreinte d’autosatisfaction et par trop hâtive pour deux raisons. D’abord, il semble évident que la réduction de la pauvreté a surtout été observée dans des pays à forte croissance économique. Lorsque le taux de croissance annuel du revenu dépasse les 5%, il n’est pas surprenant que la pauvreté absolue vienne à diminuer comme c’est le cas en Chine et en Inde. La pauvreté relative, elle, ne diminuerait pas.

Ensuite, il n’est pas certain que cette réduction soit imputable à une augmentation de vie des pauvres et non pas à une diminution relative du nombre de pauvres du fait d’une mortalité plus élevée ou d’une fécondité plus faible. Il faudrait pour mesurer cet effet démographique calculer le taux de pauvreté que connaîtrait un pays donné si on supposait que les pauvres avaient les mêmes taux de mortalité et de fécondité que le reste de la population. A cet égard, le cas de la Chine est intéressant. Au cours des dernières décennies, on y a observé que les familles aisées avaient une espérance de vie plus élevée et un nombre d’enfants supérieurs à celui des familles pauvres. De ce fait, il semblerait évident que si les familles pauvres avaient eu le même nombre d’enfants et la même longévité que le reste de la population, le taux de pauvreté y aurait été plus élevé.

Enchaînant sur le titre de ce blog, je conclurais : dans ce cas, il y aurait encore plus de pauvres.


(1) Ce qui a amené la Banque Mondiale à introduire de nouvelles normes en matière de pauvreté : pour les pays à revenu intermédiaire et élevé, elles passent à 3,20 dollars, 5,50 dollars et 21,70 dollars par jour.

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