Pierre Pestieau
Giraffe inondée |
Le prix de la
Banque de Suède (Prix Nobel en sciences économiques) vient d’être décerné aux
Américains William Nordhaus et Paul Romer. Il les récompense
pour avoir « mis au point des méthodes qui répondent à des défis parmi les
plus fondamentaux et pressants de notre temps : conjuguer croissance
durable à long terme de l’économie mondiale et bien-être de la planète »
Cette attribution
m’a conduit à m’interroger sur le rôle que les économistes pouvaient jouer sur
les questions de changement climatique. Romer est surtout connu pour ses
travaux sur la croissance endogène, travaux qui en général ignorent royalement
les questions d’environnement et de climat. Quant à Nordhaus, qui est sûrement
l’un des économistes de l’environnement les plus connus, je retiens de lui sa
réaction au fameux rapport Stern qui, en 2006, jetait un pavé dans la mare
climatique. Ce rapport évaluait en effet le coût de l’inaction contre le
changement climatique à 5-20 % du PIB mondial contre 1 % pour celui que représenteraient
des reformes drastiques. Il a fait grand bruit à l’époque et il continue d’être
pertinent. Il émanait non pas d’une quelconque ONG « partisane » mais
du respectable ministère des finances britannique. Il avait été coordonné par
Nicholas Stern, qui comme Romer est un ancien chef économiste et vice-président
de la Banque mondiale.
La réaction de
Nordhaus était typique de celle des économistes qui tendent à rasséréner
l’opinion. Il observait que dans ses calculs, Stern et ses associés avaient
utilisé un taux d’escompte beaucoup trop faible et que si on utilisait un taux
d’escompte correspondant a celui du marché, le diagnostic serait beaucoup moins
alarmant. Rappelons que le taux d’escompte mesure le poids que l’on donne aux générations
futures relativement aux générations présentes. Stern considérait que les générations
présentes et futures méritaient la même pondération, alors que les marchés privilégient
les générations présentes. Les économistes orthodoxes n’aiment pas le catastrophisme.
Ils font confiance aux marchés même s’ils lui reconnaissent certaines défaillances.
Les économistes hétérodoxes sont davantage préoccupés paer
les questions de pauvreté et de chômage, et plus généralement par une critique
du capitalisme.
Paris dans trente ans |
Je ne suis pas un
spécialiste de l’environnement mais je suis frappé que la plupart des articles
qui nous alarment sur les risques des changements climatiques ne viennent pas des
économistes. Le Monde
du 8 octobre publie une chronique de Frédéric Joignot intitulée « Climat :
comment expliquer une aussi criminelle apathie face au drame annoncé ? ».
Le ton est donné et l’article de
commencer par une citation de la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte :
« Nous avons parfois l’impression d’observer une tragédie
grecque, dans le sens où vous savez ce qu’il va se produire, et vous voyez les
choses se produire ! ». Cette remarque faisait suite au constat que sur les
180 signataires de l’accord de Paris de 2015 (COP21), neuf pays seulement ont
soumis aux Nations Unies des programmes concrets pour limiter les émissions des
gaz à effet de serre.
Le chronique de
Joignot vise à expliquer les raisons d’une « aussi criminelle apathie face au drame annoncé ». Nous serions
selon lui entrés dans le « capitalocène » : l’ère du système capitaliste
triomphant, incapable de contenir sa course effrénée au profit. Il cite les
travaux d’une série de chercheurs non économistes pour qui la révolution
industrielle et la mondialisation des économies pousse à une croissance
ignorante de ses implications pour l’environnement et le climat. La chronique de Joignot se termine par «
c’est désormais la fin du capitalisme qu’il faut penser, et non la fin du monde ».
Et comme pour
confirmer ce pessimisme, Le
Monde du 9 octobre titre à la une : « Climat : une
dernière chance pour la planète. Les experts internationaux du climat ont présenté, lundi 8 octobre,
leur nouveau rapport sur l'évolution du réchauffement de la Terre. Les
scientifiques estiment qu'il est encore possible de contenir la hausse moyenne
des températures sous la barre fatidique de 1,5 °C Mais cet objectif ne
sera atteint que si des mesures draconiennes de réduction des émissions de CO2
sont mises en place par tous les Etats d'ici à 2030 Si la hausse devait
être supérieure à 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle, l'impact
écologique et économique serait dramatiquement démultiplié ».
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cela fait froid dans le dos (sans mauvais jeu de mots)
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