Juif : de non-sioniste à antisioniste
Victor Ginsburgh
La guerre, quelque part |
« Ne
soyez pas naïf, Tanner. De nos jours, les conflits internes n’ont plus cours.
Nous sommes tous impliqués d’une façon ou d’une autre. Vous ne pouvez pas fuir
chaque fois qu’une situation vous dépasse ».
Jamal Mahjoub, La navigation du faiseur de pluie,
Babel, 1998, pp. 195-196.
Je dois une
réponse à deux amis juifs, Ph. et Ph. Ils savent
tous les deux que je ne
suis pas antisémite, cela va sans dire. Ils savent aussi que ce que j’écris n’est
ni malveillant ni faux, et je ne veux pas plus le destruction ou l’autodestruction d’Israël, que ceux
que j’avais cités dans mon blog précédent : Georges Friedmann, Asher Ginzberg, Ilan Greisalmer, Amos
Oz, Gideon Levy, Barak Ravid, Rotem Sela et Abraham Yehoshua. J’aurais pu donner
plusieurs dizaines d’autres noms.
Ph. et Ph. me
disent que malgré tout le mal qu’ils pensent de la situation en Israël et en
Palestine occupée, ils ne veulent rien dire ni écrire, parce qu’ils pensent à
l’utilisation malveillante que d’autres pourraient faire de leurs propos, en
donnant des arguments aux vrais antisémites : « si les Juifs
eux-mêmes disent que la situation politique est horrible et que l’état des
choses devient de plus en plus irréversible, il faut détruire Israël et/ou jeter
les Israéliens hors du pays ».
Ce n’est
évidemment pas ce que j’écris, ni ce que je pense. Mais je leur pose quand même
la question suivante : Faut-il se taire quand d'autres mélangent le signifiant et le
signifié ?
Faut-il se taire et
ne pas dénoncer ? Dans son Chant 3 de l’Enfer, vers 32-69 passim,
Dante écrit que Satan aurait réservé une place spécialement infâme aux anges
neutres qui n’osaient pas prendre position, ni pour le bien, ni pour le
mal (1) :
Sandro Bottticelli, Les neuf cercles de l'Enfer |
… « Maître,
qu’est-ce que j’entends ?
qui sont ces gens
si défaits dans la souffrance ? »
Et lui à
moi : « Cet état misérable
est celui des
méchantes âmes des humains
qui vécurent sans
infamie et sans louange.
Ils sont mêlés au
mauvais chœur des anges
qui ne furent ni
rebelles à Dieu
ni fidèles, et
qui ne furent que pour eux-mêmes.
Les cieux les
chassent…
et le profond
enfer ne veut pas d’eux.
…
ne parlons pas d’eux,
mais toi regarde et passe ».
Ces malheureux,
qui n’ont jamais été vivants,
étaient nus et
harcelés sans cesse
par des mouches
et des guêpes qui étaient près d’eux. Elles leur
rayaient le visage de sang,
qui, mêlé de
pleurs, tombait à leurs pieds
où le
recueillaient des vers immondes.
Je veux bien
terminer en enfer, mais pas à cette place-là.
(1) Dante, La Divine Comédie, L’Enfer, traduit en
français par Jacqueline Risset, Paris : GF Flammarion, 2004, p. 43.
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RépondreSupprimermerci Victor Cette lâcheté d'opinion me fait penser à la devise (et le souffrance...) des trolls dans Peer Gynt : 'suffis-toi toi même...' qui envie le sort des Troll ? Luc
RépondreSupprimer"Ces malheureux, qui n'ont jamais été vivants". Merci Victor !
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