Victor Ginsburgh
On n’a jamais deux fois l’occasion de se faire une
première impression (Héraclite).
Comme certains ont pu s’en apercevoir je
collectionne des portraits depuis la semaine dernière. Voici le deuxième.
Ma première et heureusement dernière rencontre avec
le personnage (que je prénommerai C. dans la suite) a eu lieu chez le Recteur
de l’Université Libre de Bruxelles il y a quelques années. Il s’agissait de
discuter l’idée de créer une société de collecte (et peut-être de redistribution)
de droits d’auteurs sur les photocopies, un droit qui porte le nom fumeux, mais
qui fait sérieux, de reprographie, qui s’ajoute aux quelques centaines d’autres
mots qui se terminent par -graphie (2).
Ce devait être peu de temps après la création de Reprobel,
« une société coopérative qui représente quinze (!) sociétés belges de
gestion des droits des auteurs et des éditeurs afin de percevoir et répartir aux
ayants droit la rémunération pour reprographie » qui sont faites de leurs
œuvres.
C., qui comme moi était conviée à la rencontre chez
le Recteur, proposait de créer une société commune à toutes les universités
belges de langue française. De cette manière prétendait-elle, les prélèvements
sur les photocopieuses censés alimenter Reprobel seraient versés à une société
interuniversitaire qui se chargerait de les redistribuer à leurs professeurs,
chercheurs, et autres même s’ils ne publient pas grand-chose. Inutile de dire
que les propositions faites au recteur (pas par moi, parce que je trouvais
qu’il fallait que les universités se mettent d’accord et refusent de s’acquitter
de ce nouveau droit ridicule, qui viole l’idée essentielle du droit
d’auteur : à savoir celui qui utilise ou viole le droit paie à celui qui
est utilisé ou « violé ») ont lamentablement échoué. Mon idée aussi
d’ailleurs, et Reprobel continue évidemment d’encaisser, comme les membres
inscrits chez Reprobel, qu’ils aient ou non été photocopiés et qu’ils aient ou
non publié.
Et voilà que je retrouve C. dans L’Echo du 14 février 2013, avec le sous-titre
bouleversant de « L’affaire C. bouleverse l’équilibre ». Il ne m’en
faut pas plus pour essayer de comprendre ce qui arrive à cette vieille branche.
Voici ce qu’en dit L’Echo:
« [Juriste] spécialiste des
media, C. siège chez Belgacom depuis 2004. Or C. affronte au quotidien les
décideurs de … Belgacom TV lors de [ses négociations relatives aux] droits de
diffusion des chaînes étrangères (3) pour le compte de son cabinet d’avocat ».
C. rétorque évidemment
« qu’il n’y a pas entorse à la gouvernance », mais rajoute L’Echo, « le mélange des genres
pour lequel C. est pris(e) pour cible pourrait lui coûter sa place ». Fini
les €5.000 euros par séance du Conseil d’Administration de Belgacom, où le
personnage intervenait aussi comme avocat (avec des honoraires s’élevant à plus
de 44.000 euros, un montant insignifiant selon le ministre socialiste
responsable de la chose à l’époque).
Heureusement, rapporte
aussi L’Echo, « tout le monde
sait que C., proche du Parti Socialiste, vient d’être nommé(e) par l’Etat chez
Belfius ». Ce qui lui permettra de rattraper la perte du côté Belgacom.
Dans la cour des grands,
il n’y a pas de petits cumuls. Voyez quand même l’article qui suit de Pierre
Pestieau, qui joue, lui, dans la cour des petits cumulards.
(1) Ce n’est pas de moi, mais je ne sais plus où j’ai
trouvé ces deux très jolies phrases.
(3) Il s’agit des chaines
allemandes ARD et ZDF qui ont d’ailleurs disparu de nos écrans.
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