mercredi 1 mai 2013

Portrait. Le comptable et le philosophe


Victor Ginsburgh

« L’homme parfait est sans moi, l’homme inspiré est sans œuvre, l’homme saint ne laisse pas de nom ». (Tchouang-Tseu, philosophe chinois du 4e siècle avant J.C.)

Celui dont je veux parler n’est pas « sans moi », il est plutôt « surmoi ». Il est loin d’être « inspiré », et c’est bien la raison pour laquelle il écrit un nombre innombrable d’articles sur un nombre encore plus grand de sujets et on peut vraiment estimer qu’il est et restera « sans œuvre », si ce n’est un doctorat en comptabilité. Je ne peux guère juger de sa sainteté, sauf que je sais qu’il a démissionné vite fait bien fait d’une université, mais s’est aussi sec fait embaucher dans deux autres. Il fait néanmoins peu de doute qu’il ne laissera derrière lui aucun nom. Ce n’est pas un grand défaut, je n’en laisserai pas non plus.

Il paraît assez évident que ce comptable indigène n’a jamais croisé le chemin du philosophe chinois Tchouang-Tseu. A une question qui lui a été posée par un journaliste sur son don de l’écriture (comptable ?) il répond avec beaucoup de simplicité :

« C'est moins la passion de l'écriture au sens strict que celles de l'apprentissage et de la conceptualisation qui m'animent. J'éprouve le besoin profond de me poser chaque week-end, à la campagne et dans la marche, afin de ranger mes pensées, de consacrer du temps à l'écriture de ces articles et à la préparation des conférences quasiment quotidiennes auxquelles je suis invité. Au fil des ans, je me suis exercé à entretenir conjointement ces passions, mes activités professionnelles et mes recherches académiques avec l'envie que le tout façonne un ensemble assez cohérent ».

C’est pas mal dit, on voit qu’il sait causer comme il écrit.

Pour le reste, je dirai en reprenant une bribe d’un célèbre discours de Miguel de Unamuno, un autre philosophe, cette fois espagnol (1) :

« Je serai bref. La vérité est davantage vraie quand elle se manifeste sans ornements et sans périphrases inutiles ».

Et je n’ai rien contre les comptables, puisque j’ai pendant plusieurs années enseigné cette huitième merveille du monde dans mon université.

Ceci constitue le premier portrait que je me suis payé et qui fait maintenant partie de ma collection. Il est accroché sur un mur privilégié.


(1) http://passouline.blog.lemonde.fr/2007/01/08/le-discours-de-salamanque-reconstitue/

1 commentaire:

  1. Ce qui est consternant est l'absence d'esprit critique des journalistes qui donnent la parole a des charlatans n'ayant aucune prétention a pérorer sur des questions économiques complexes autre que celle d'avoir publié une thèse fumeuse sur un sujet comptable abscons.

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