Victor Ginsburgh
Les Etats (américains) dans lesquels continue
d’exister la peine de mort — rassurez-vous, il n’y en a plus que 32 sur 50, quel progrès (1) — sont en panique : le
Texas, l’Ohio, l’Arkansas et quelques autres ne parviennent plus à se procurer
le triple cocktail (thiopental de sodium, bromure de pancuronium et chlorure de
potassium, avis aux amateurs) qui permet d’exécuter les « criminels »,
et se demandent comment ils vont pouvoir continuer. La plupart des exécutions
sont dès lors remises de jour en jour et le processus s’est enrayé, explique le
New York Times (2). La Cour Suprême
du Missouri vient heureusement d’autoriser le propofol. Rappelez-vous l’effet
que ce produit a fait au pauvre Michael Jackson, donc cela semble en effet
fonctionner pas trop mal.
Quelles sont les raisons de cette rupture
d’approvisionnement d’une matière dont il ne faut certes pas des tonnes tous
les jours ? Il semble que, suite à des pressions notamment en provenance
d’Europe (3), les producteurs commencent à refuser de la fournir aux prisons
dont les stocks sont épuisés. Certaines prisons recourent alors à des
producteurs non autorisés, non soumis aux règles habituelles du contrôle de
qualité du produit, ce qui pose évidemment des problèmes à ceux qui sont bien
intentionnés !
Mais plus intéressant, ou amusant, si l’on peut
dire en la circonstance, un juge fédéral de Washington a interdit aux
Etats-Unis d’importer du thiopental de sodium, parce que le produit n’avait pas
été approuvé par le Food and Drug Administration. Une bonne excuse qui
permettra de postposer des exécutions, ou un excès de zèle ?
D’après Kent Scheidegger, un des directeurs de la
Justice Legal Foundation qui est favorable à la peine de mort, il s’agit plutôt
d’un problème créé artificiellement par ceux qui soutiennent son abolition. Ces
salauds (dit en substance Scheidegger) espèrent qu’en retardant les exécutions,
de plus en plus d’Etats se décourageront et finiront par les abandonner. La
preuve est donnée par l’Arkansas (l’Etat de notre grand ami Bill C.), dont le
gouverneur actuel a suspendu la peine de mort jusqu’à ce qu’on trouve un
produit idoine pour l’appliquer. La Californie s’est plongée dans des études
subtiles pour déterminer comment remplacer le triple cocktail miraculeux.
Il y avait en janvier 2012, 3125 condamnés qui
attendaient leur exécution dans les couloirs de la mort des prisons de 32
Etats. La pression publique contre son abolition reste très forte, mais les
études menées par des économistes, des sociologues et des juristes montrent
malheureusement souvent, pas toujours très soigneusement, ni de façon très convaincante, que la peine de mort aurait un effet dissuasif sur la criminalité. Un article récent d'un juriste de la Columbia Law School fait le point sur la question et conteste l'effet de dissuasion (4).
(1)
Pour la liste des Etats, voir http://www.deathpenaltyinfo.org/states-and-without-death-penalty.
Pour
la liste des prisons voir http://en.wikipedia.org/wiki/Death_row
(2)
Rick Lyman, Deat row improvises, lacking letaht miw, The New York Times, August 18, 2013. http://www.nytimes.com/2013/08/19/us/death-row-improvises-lacking-lethal-mix.html
(3)
Notamment d’Italie et du Danemark, qui fabriquent ces produits pour des usages
divers, mais refusent depuis peu de les livrer aux prisons.
(4) Voir Jeffrey Fagan, Capital punishment : Deterrent
effects and capital costs,
ça va les copains? le bon âge de mourir, le bon poison pour tuer les condamnés à mort, bref, comme disait (à peu près) Valery devant la tombe de qui je méditais l'autre jour en regardant "ce toit d'ardoises où marchent les colombes", "la mort , la mort, toujours recommencée" ...
RépondreSupprimerMais aussi quelques vers du même utile au patient (enfin...) que je suis et que vous êtes sans doute:
"Patient, patience,
Patience dans l'azur,
Chaque atome de silence
Est la promesse d'un fruit mûr"
Mûr, pas blet! pas prêt à faire le mur, le mort, mais l'amour.
RK