Pierre Pestieau
C’est là une formule
lapidaire. Plus explicitement, je dirais que la pratique du sport n’est ni de
droite ni de gauche mais que la plupart des organisations sportives sont de
droite et souvent racistes. Les exemples sont nombreux. Je me contenterai de
citer ceux qui m’ont le plus frappé.
Quand j’étais jeune et
innocent, je lisais dans le journal familial la page sportive. Une figure m’impressionnait
à l’époque, celle du président du Comité International Olympique, Avery
Brundage (sûrement moins drôle que Tex Avery et son inénarrable Droopy). On
parlait alors des jeux olympiques de Melbourne de 1954, où Roger Moens allait remporter
une médaille d’or dans le 800 mètres (1). Quelques années plus tard, alors que
je visitais le Musée de l’Holocauste à Washington, je découvre la face cachée
de Brundage qui dans les années 30 était président du Comité Olympique Américain.
Il avait passé un accord tacite avec Hitler pour qu’aucun juif ne soit sélectionné
pour les jeux de Berlin. L’accord a rapidement été révélé au grand public et il
a été forcé d’accepter de sélectionner quelques juifs mais il avait passé un
second accord tout aussi secret selon lequel ces athlètes resteraient sur le
banc. Pour Brundage, l’important était qu’ils ne participent pas. Il devient
néanmoins président du CIO de 1952
à 1972. Après un court intermède assuré par Killanin,
ce fut le tour du Marquis Juan
Antonio Samaranch, qui
lui resta aussi au pouvoir pendant plus de 20 ans (1980-2001). Ce cher marquis avait été un franquiste déclaré
et jamais repenti. C’est cela la démocratie olympique.
Que ce soit à Rome ou à Paris, la timidité des
autorités footballistiques à réprimer les manifestations ostensiblement
racistes à l'égard de joueurs de couleur est frappante. Entre le tiroir caisse
et les principes qu’ils n’ont d’ailleurs pas, ces messieurs n’hésitent guère.
Tout récemment, il y a eu la fameuse attribution de
la coupe du monde 2022 au Qatar, attribution que le président de la FIFA a reconnu
comme ayant été une erreur. Cette attribution aurait été achetée afin de faire
taire les bonnes consciences qui rappelaient que le Qatar avait plus d’une dictature
que d’une démocratie.
On a, récemment, appris bien pire. Dans un de ses
derniers romans, Le Chinois, Mankell (2)
relate le traitement atroce qu’ont subi des milliers de Chinois—on parlait de
coolies—amenés de force aux Etats-Unis pour construire les chemins de fer à
travers la Sierra Nevada. Il semble que les Qataris procèdent de la même manière
avec les Népalais pour construire les stades et les infrastructures de la
prochaine coupe du monde.
Selon
Libération (3), des ouvriers népalais
travaillant auQatar sont morts par dizaines ces dernières semaines, au taux de
presque un par jour, et des milliers d’autres endurent des conditions de
travail épouvantables. Une enquête menée par le Guardian (4) soulève de sérieuses questions sur les préparatifs
qataris pour accueillir la Coupe du Monde de 2022 ; elle montre que des
milliers de Népalais sont victimes d’exploitation et d’abus, et entrent dans la
définition d’esclaves des temps modernes. Toujours selon le Guardian, la coupe du monde au Qatar
devrait causer la mort de 4000 travailleurs immigrés, la plupart népalais. C’est
tout de même pire que le dopage.
(1) Il fut battu d’un cheveu par Peter
Snell.
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