Pierre Pestieau
Il y a un peu plus de 30
ans, nous nous sommes, mon co-blogeur et moi, intéressés à la question suivante: « Dans quelle mesure la manière dont les
communes belges sont gérées dépend-elle de la couleur politique du conseil
communal? » Cette étude (1) faisait suite à un ouvrage du politologue
Denis Lacorne, Les notables rouges (Presses de la FNSP, Paris 1980). La
conclusion de notre étude comme celle de Lacorne étaient que la couleur
importait peu. Fallait-il désespérer de la politique et de la capacité de
changer la société de la gauche? Pas vraiment. A l’époque, on se rassurait en pensant que les communes
avaient somme toute peu de responsabilités à part la gestion quotidienne de tâches
très concrètes telles que le ramassage et le traitement des ordures ménagères.
Or, jusqu’à preuve du contraire il n’y a pas d’ordures rouges ou bleues et
encore moins vertes (encore que beaucoup de légumes soient jetés alors qu’ils
sont frais). On se rassurait aussi en écoutant les édiles de gauche nous dire
que même si leur gestion n’était pas différente de celle de droite, elle se
faisait avec davantage de cœur.
Trente cinq ans
plus tard on a l’impression que ce constat de l’impuissance des gouvernements à
changer la société dans un sens ou dans un autre s’est déplacée d’un cran,
celui de la nation. Les faits et les raisons ? Les faits : la
croissance des inégalités et la crise de l’emploi dans de nombreux pays
semblent ne pas dépendre de la couleur politique des gouvernements en place.
Les raisons ou plutôt la raison : la globalisation et ses conséquences. La
décision politique demeure confinée aux frontières nationales alors que le
cadre de la décision économique est aujourd’hui planétaire.
Cette impuissance
nourrit d’ailleurs le désamour de la population vis-à-vis de la chose publique.
On entend souvent dire : « Gauche ou droite, ils gouvernent de la même façon. A
quoi bon voter ? Si ce n’est pour des partis qui promettent la lune et le
paradis sur la lune. » Il faut dire que nos économies souffrent du
problème d’un chômage structurel élevé, surtout chez les jeunes, d’un déficit
budgétaire et d’un endettement qui laissent peu de marge de manœuvre. Elles
souffrent aussi de la menace constante que le moindre écart par rapport à
l’orthodoxie soit sanctionné par la fuite des capitaux et des cerveaux. Dans un
tel contexte, il reste peu de place pour l’imagination et les nouvelles
initiatives.
Sans nier cette
réalité, il me semble cependant que certaines choses peuvent être faites au
prix d’un certain courage politique. Cela demande de rétablir la confiance
entre l’Etat et le citoyen et entre les citoyens eux-mêmes. Ce qui tue notre
société, c’est le climat constant de défiance qui y règne (2). Dans un tel
climat, le citoyen ne peut pas croire que les sacrifices qu’on lui impose dans
le court terme peuvent déboucher sur un mieux être. Je pense ici à une réforme
fondamentale de notre fiscalité et de notre sécurité sociale.
(1) V. Ginsburgh et P. Pestieau, Politiques et budgets
communaux, Courrier Hebdomadaire du CRISP,
n° 879, 4.25, 1980.
(2) Voir à ce sujet Yann Algan et
Pierre Cahuc, La société de défiance.
Comment le modèle social français s'autodétruit, Cepremap, éditions rue d'Ulm, 2007. Ce livre toujours
d’actualité défend une thèse simple:
la société française est rongée par le corporatisme et l'étatisme. Ces deux
maux nourrissent un climat de défiance qui, tout à la fois, réduit le bien-être
et la croissance, accroît le chômage, accentue la demande d'Etat au détriment
de l'adhésion syndicale, et suscite grogne et passe-droits.
Bonjour,
RépondreSupprimerSans connaître le cas avec beaucoup de précision, l'Islande est-elle une exception ?
Bien cordialement,
Yves
Ceci me rappelle cet autre billet fait outre-atlantique mais dont la conclusion est transposable chez nous: https://voir.ca/yvan-dutil/2015/09/11/linsoutenable-legerete-des-politiques-economiques/
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