Victor Ginsburgh
Ils ne sont pas des Anatole France
et leurs livres ne sont pas son Livre de
mon ami. Mais ils sont mes amis, de vieux amis d’ailleurs, près de 60 ans
de cheminement avec l’un, et au moins 40 avec l’autre. Le premier défend (pas
trop, mais quand même un peu) la colonisation belge au Congo, où nous avons
vécu tous les deux ; je ne partage pas entièrement son avis sur le bien qu’elle
aurait pu apporter aux colonisés. Le deuxième est un homme constant de la gauche
; j’avoue que j’ai failli de temps à autre d’en être, mais suis revenu à de
meilleurs sentiments.
André Schorochoff, m’a offert son
livre. Par contre, j’ai dû acheter l’autre, celui de Mateo Alaluf (et Daniel
Zamora). C’est bien la raison pour laquelle j’en parle en second lieu. On a
beau être de gauche, 10 €, c’est 10 €…
Le livre d’André Les Belges trahis par leurs élus (1) date de juillet 2016, comme s’il avait prévu Publi-fin, Publi-moins-fin et Publi-aigre-fin. Dans son avant-propos, il annonce clairement que « décider de se mettre au service de ses concitoyens est, certes, une démarche louable et respectable, mais elle exige de la part de celui qui l’entreprend de démontrer des compétences spécifiques et une éthique correspondant à son mandat ».
Il a raison, mais les exemples sont
moins nombreux que les contrexemples pour lesquels il y a foison des postulants.
En voici deux qui sont caractéristiques et qui font partie du club secret des
cinq de Liège (2), que Pierre Pestieau me suggère d’appeler Palerme-sur-Meuse :
Alain Mathot et Jean-Claude Marcourt qui, comme par hasard, a fait ses premières armes en tant que Chef de
Cabinet du Ministre wallon des Affaires intérieures, Guy Mathot, père du fils
bien nommé plus haut.
M. Marcourt est très modestement Vice-Président du Gouvernement wallon, Ministre de
l’Economie, de l’Industrie, de l’Innovation et du Numérique ainsi que
Vice-Président du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Ministre de
l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. Il est bourré de « compétences spécifiques » dans tous ces domaines, bien
évidemment, surtout dans sa gestion des universités qui va de réforme ridicule
en réforme plus ridicule encore. J’en passe et de meilleures.
Le fils Mathot, député-bourgmestre
se fait un salaire annuel de 265 000 € plus quelques petites
rallonges (raouettes, dit-on en Wallon) (3). Il est inculpé en novembre 2011
pour blanchiment d’argent,
corruption passive, et trafic d’influence dans le dossier d’un incinérateur de
déchets : 750 000 € de pots de vin. Il
nie bien évidemment ces accusations. En mars 2016, la Commission des poursuites
rend un rapport proposant à la Chambre de se prononcer contre la demande de
levée d’immunité parlementaire. En avril 2016, la Chambre rejette la demande de
levée d'immunité parlementaire. On déjeune, mais on ne
se mange pas entre potes. Il vient de se faire prendre le pied dans le sac d’une
des sociétés de Publi-aigre-fin, dont il a démissionné. Ben voyons, et il est
loin d’être le seul. L’incompétence et le manque flagrant d’éthique sont les
caractéristiques principales de la plupart de nos élus. La Wallonie a d’ailleurs « omis
de donner suite à des décrets de 2014 et 2015 lui permettant de fixer les
rémunérations » (4). Tu n’auras jamais raison, André.
Seul défaut de ton livre : ne pas
avoir pensé aux Français qui subissent la même épreuve avec, entre autres, le
brillant couple Pénélope et François. D’autant plus que François se serait
rendu quatre fois en trois ans au Kazakhstan et que ceci pourrait être lié au
grandioses agissements de notre cher sénateur et avocat belge De Decker qui a
si bien arrangé les bidons du milliardaire kazakh Chodiev qui voulait (par entremise
de Sarkozy) devenir belge. Tout en encaissant plus de 700 000 € de pourboire, pardon, de frais d’avocats. L’Ordre de Malte remplace ici le
Club des Cinq.
Impardonnable, André. Sinon, un
livre à lire de toute urgence, même si l’urgence est dépassée par les
événements.
Le livre de Mateo et autres, Contre l’allocation universelle (5), me fait, comme je lui ai dit plusieurs
fois, un plaisir immense. « Remplacer le droit à l’emploi par un droit à
un revenu aurait pour effet d’institutionnaliser l’exclusion d’une fraction de
la population de la sphère du travail », écrit-il. Et il continue
« un tel revenu serait alors le salaire de l’inactivité forcée. Il
signerait aussi l’abandon d’une tendance séculaire à la diminution collective
du temps de travail au profit d’une illusion dangereuse qui légitimerait une
régression sociale considérable… qui conduit à confier les fonctions
collectives (protection sociale, régulation des rapports de travail et services
publics) au marché » (Alaluf et Zamora, p. 110).
Même si Benoit Hamon, candidat à la
présidence française, ne pense pas de même, il se fait qu’à quelques
semaines des élections, son programme sur la manière d'octroyer cette
allocation universelle de 750 €/mois manque de détails importants et se trouve constamment modifié (6).
Outre que les 750 € sont bien
loin du salaire minimum garanti proposé par l’un des grands théoriciens de la
question, André Gorz, qui avait défini le revenu
d’existence par deux conditions. « Il
doit être totalement inconditionnel. Et il doit être suffisant car toute
garantie d’un revenu insuffisant fonctionne comme une subvention déguisée aux
employeurs : elle les fonde et les encourage à créer des emplois à salaire
insuffisant et à conditions de travail indignes, tout en forçant les chômeurs à
accepter des emplois au rabais, pénibles et déconsidérés. Il doit donc être au
moins égal au salaire minimum garanti » (Alaluf et Zamora, p. 90, passim).
Il suffit de retourner aux chiffres
que Pierre Pestieau discute dans le blog qui précède pour se rendre compte que
la chose est impossible dans les circonstances financières actuelles en tout
cas.
Mateo n’offre pas son livre, il le vend,
mais j’espère que les recettes vont au Parti du Travail de Belgique. Est-ce que
Jean P. peut me confirmer cela ?
(1) André Schorochoff, Les Belges trahis par leurs élus, Cercle
d’Etude et de Réflexion Politique, 2016.
(2) Françoise Brabant,
Le club des cinq : la ligue secrète qui régit le Parti Socialiste
liégeois, Le Vif/L’Express, 4 juin
2015 http://www.levif.be/actualite/belgique/le-club-des-cinq-la-ligue-secrete-qui-regit-le-ps-liegeois/article-normal-398633.html
(3) Le Soir, 14 février 2017.
(4) RTBF Info, 23 février 2017. http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_publifin-resa-la-wallonie-a-oublie-d-executer-le-controle-des-remunerations?id=9537485
(5) Mateo Alaluf et Daniel
Zamora, dir., Contre l’allocation
universelle, Lettres Libres, 2017.
(6) Voir Le Monde,
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/17/comment-benoit-hamon-a-rabote-son-revenu-universel-en-pleine-campagne_5064235_4355770.html
Cher Victor, merci d’avoir pris le temps de lire mon livre et de le mentionner sur ton Blog.
RépondreSupprimerJ’apprécie tes commentaires, la citation extraite de l’avant-propos et les exemples que tu donnes constituent une très opportune mise à jour de la litanie d’exemples que je donne pages 60/71.
Je conclus ce chapitre par :
« Devant de tels abus, les citoyens ne peuvent pas rester passifs, il leur faut réagir. "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs", proclamait l'article 35 de la Déclaration des droits de l'homme adoptée par les révolutionnaires français en 1793. http://www.syti.net/DDH1793.html Je ne pense pas qu’une insurrection soit désirable aujourd’hui mais une réaction citoyenne forte est impérative. »
Mon appel à une réaction citoyenne est clair mais sera-t-il lu compris et suivi d’effet ? Je ne suis pas devin, mais en tout cas, merci Victor pour ce coup de pouce. Tu contribues à l’effet de « rippling » (propagation d’onde) suivant l’expression inventée, je pense, par Irving Yalom dans son livre « Le jardin d’Epicure ».
Quant à ton très amical commentaire : « Seul défaut de ton livre : ne pas avoir pensé aux Français », ton amitié me fait chaud au cœur mais ce livre, j’en suis bien conscient, est très imparfait. Je suis aussi tout à fait conscient que les critiques que je porte sur le monde politique belge sont, peu ou prou, valables ailleurs. C’est ce que j’écris dans mes conclusions page 121 : « Les critiques que je porte sur le monde politique belge sont, dans l’ensemble valables dans le monde entier. L’opposition systématique et stérile gauche –droite, les abus de pouvoirs et de position dominante, la corruption, les violations intolérables des principes fondamentaux de leadership, le manque d’exemplarité et de professionnalisme des dirigeants causent aux citoyens de tous les pays de graves préjudices financiers et moraux. Comme exprimé dans la première partie, chapitre 4, le concept de Haute Trahison, ignoré en temps de paix, constitue un vide juridique inacceptable. Ce vide doit être comblé à l’initiative des citoyens car il est évident qu’ils ne peuvent compter sur leurs élus pour ce faire. »