jeudi 23 février 2017

Une résignation alarmante

Pierre Pestieau

La lecture sans doute trop rapide du programme du candidat officiel du Parti socialiste français, Benoit Hamon, me laisse perplexe à propos de deux idées phares, à savoir son option pour une croissance zéro et sa résignation à laisser la France se robotiser.

Depuis de nombreuses années, la France et plusieurs de ses voisins connaissent une croissance nulle or la croissance nulle peut être un objectif de politique économique pour un gouvernement soucieux de développement durable et de protection de l’environnement. Il faut distinguer la croissance nulle subie et la roissance nulle voulue. La croissance zéro que nous subissons aujourd’hui avec ses conséquences en termes de chômage et d’inégalités n’est pas semblable à une croissance zéro que nous choisirions au nom de principes écologiques et plus largement moraux. L’idée n’est pas neuve. Il y a près de 50 ans le Club de Rome et des économistes du MIT défendaient cette idée (1).


Par ailleurs, on a parfois l’impression que Benoit Hamon est résigné devant la robotisation de la société française. Sa riposte : la réduction du temps de travail, la taxation des robots qui financeraient une allocation universelle fort utile pour une population privée d’emplois. L’expression taxer les robots’ est imagée mais concrètement il n’est pas clair de la mettre en œuvre. Je ne parviens pas à concevoir une société heureuse où le progrès technique éloignerait une partie de la population active du monde du travail. Que faire ? Suivre le conseil de Tony Atkinson qui dans son récent livre Inégalités (2)  recommande  de n’encourager que les investissement qui sont porteurs d’emploi. Ce faisant, la croissance peut se trouver ralentie, mais au moins il y aura du travail pour tout le monde.
Un dernier mot sur l’allocation universelle. Dans le livre dont il vient d’être question, Tony Atkinson rappelait une anecdote. Il y a environ 50 ans, aux Etats Unis, le candidat à la présidence, Georges McGovern, demande a son conseiller économique Jim Tobin s’il pense qu’une allocation universelle est possible. La réponse de Tobin est claire : prenez la fraction x que représente les dépenses publiques hors revenus de remplacement dans le revenu national c’est-à-dire service de la dette, éducation, transports publics, armée, police. Vous souhaitez attribuer à tous une allocation  représentant y% du revenu moyen. Cela entraîne un prélèvement moyen de (x+y)%.

J’ai fait ce calcul pour la Belgique où x = 35%. Si vous voulez donner à toute la population une allocation égale à 40% du revenu moyen, vous arrivez à un total de dépenses publiques de 75%. Pour couvrir cela, il vous faut un taux moyen de taxation de 75% (3).
Bonjour les dégâts.

(1) Meadows, D. H.; Meadows, D. L.; Randers, J.; Behrens III, W. W. (1972), The Limits to Growth: a report for the Club of Rome's project on the predicament of mankind, Universe Books, ISBN 0-87663-165-0
(2) Anthony B. Atkinson, Inégalités, Le Seuil, 2016
(3) Ce raisonnement est simplifié à plus d’un titre. D’abord, l’allocation universelle ne serait pas attribuée a tous mais uniquement aux personnes de plus de 18 ans. Ceci dit, des allocations familiales seraient versées aux moins de 18 ans. Deuxièmement, il est clair que l’Etat reprendra sous forme d’impôt additionnel ce qu’il leur donne comme allocation universelle, dans la majorité des cas. Troisièmement, le taux marginal de taxation est sans doute plus important que le taux moyen. Les individus sont intéressés par le prélèvement qui est exercé sur la dernière tranche de revenus qu’ils touchent. Quatrièmement, l’allocation universelle devrait être calculée à partir revenu médian et non du revenu moyen. On mesure ainsi le seuil de pauvreté comme un certain pourcentage (60%) du revenu médian. Enfin, dans ce calcul, on considère que l’allocation universelle ne permettrait pas de couvrir les allocations de chômage et les pensions élevées. Pour cela, il faudrait développer un régime d’assurances complémentaires.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire