Pierre Pestieau
La lecture sans doute trop rapide du programme du candidat officiel du
Parti socialiste français, Benoit Hamon, me laisse perplexe à propos de deux idées
phares, à savoir son option pour une croissance zéro et sa résignation à
laisser la France se robotiser.
Depuis de nombreuses années, la France et plusieurs de ses voisins
connaissent une croissance nulle or la croissance nulle peut être un objectif
de politique économique pour un gouvernement soucieux de développement durable
et de protection de l’environnement. Il faut distinguer la croissance nulle
subie et la roissance nulle voulue. La croissance zéro que nous subissons
aujourd’hui avec ses conséquences en termes de chômage et d’inégalités n’est
pas semblable à une croissance zéro que nous choisirions au nom de principes écologiques
et plus largement moraux. L’idée n’est pas neuve. Il y a près de 50 ans le Club
de Rome et des économistes du MIT défendaient cette idée (1).
Par ailleurs, on a parfois l’impression que Benoit Hamon est résigné devant
la robotisation de la société française. Sa riposte : la réduction du
temps de travail, la taxation des robots qui financeraient une allocation
universelle fort utile pour une population privée d’emplois. L’expression ‘taxer les robots’ est imagée mais concrètement il n’est
pas clair de la mettre en œuvre. Je ne parviens pas à concevoir une société
heureuse où le progrès technique éloignerait une partie de la population active
du monde du travail. Que faire ? Suivre le conseil de Tony Atkinson qui dans
son récent livre Inégalités (2) recommande
de n’encourager que les investissement qui sont porteurs d’emploi. Ce
faisant, la croissance peut se trouver ralentie, mais au moins il y aura du
travail pour tout le monde.
Un dernier mot sur l’allocation universelle. Dans le livre dont il vient
d’être question, Tony Atkinson rappelait une anecdote. Il y a environ 50 ans,
aux Etats Unis, le candidat à la présidence, Georges McGovern, demande a son
conseiller économique Jim Tobin s’il pense qu’une allocation universelle est
possible. La réponse de Tobin est claire : prenez la fraction x que
représente les dépenses publiques hors revenus de remplacement dans le revenu
national c’est-à-dire service de la dette, éducation, transports publics,
armée, police. Vous souhaitez attribuer à tous une allocation représentant y% du revenu moyen. Cela entraîne
un prélèvement moyen de (x+y)%.
J’ai fait ce calcul pour la Belgique où x = 35%. Si vous voulez donner
à toute la population une allocation égale à 40% du revenu moyen, vous arrivez
à un total de dépenses publiques de 75%. Pour couvrir cela, il vous faut un
taux moyen de taxation de 75% (3).
Bonjour les dégâts.
(1) Meadows, D. H.; Meadows, D. L.; Randers, J.; Behrens
III, W. W. (1972), The Limits to
Growth: a report for the Club of
Rome's project on the predicament of mankind, Universe Books, ISBN 0-87663-165-0
(3) Ce raisonnement est simplifié à plus d’un titre.
D’abord, l’allocation universelle ne serait pas attribuée a tous mais
uniquement aux personnes de plus de 18 ans. Ceci dit, des allocations
familiales seraient versées aux moins de 18 ans. Deuxièmement, il est clair que
l’Etat reprendra sous forme d’impôt additionnel ce qu’il leur donne comme
allocation universelle, dans la majorité des cas. Troisièmement, le taux
marginal de taxation est sans doute plus important que le taux moyen. Les
individus sont intéressés par le prélèvement qui est exercé sur la dernière
tranche de revenus qu’ils touchent. Quatrièmement, l’allocation universelle
devrait être calculée à partir revenu médian et non du revenu moyen. On mesure
ainsi le seuil de pauvreté comme un certain pourcentage (60%) du revenu médian.
Enfin, dans ce calcul, on considère que l’allocation universelle ne permettrait
pas de couvrir les allocations de chômage et les pensions élevées. Pour cela,
il faudrait développer un régime d’assurances complémentaires.
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