Victor Ginsburgh
On ne fait que parler de la solution à un ou à deux états, mais que se
passe-t-il sur place, à l’ombre fraîche des discours de Netanyahou, Blair,
Trump dont deux sont déjà des criminels de guerre, en attendant que le
troisième s’y mette.
Mohammed-Aamar Jala, 25 ans est en route pour sa dernière séance de
chimiothérapie en novembre 2016. Il se rend compte qu’il a pris un taxi qui
allait dans la mauvaise direction.
Découvrant son erreur, il en descend et traverse la route pour attraper un
taxi qui va dans l’autre sens. Il est gravement blessé par des soldats
israéliens qui prétendent qu’il avait l’intention de les attaquer avec un outil
destiné à aiguiser des couteaux.
Durant les trois mois qui ont suivi, il se retrouve dans l’unité de soins
intensifs d’un hôpital en Israël. Durant cette période, personne dans l’armée
ne prend la peine de contacter les parents pour les informer de son état. Sa
mère était la seule à (soi-disant) pouvoir lui rendre visite. Elle s’est rendue
à l’hôpital à plusieurs reprises mais n’a pu rentrer dans la chambre de son
fils qu’une seule fois.
Alors que son état semblait s’améliorer, il est mort il y a une quinzaine
de jours. Personne n’a pensé utile d’informer sa famille de son décès, pas plus
l’armée que les services de l’hôpital dans lequel il gisait et son corps n’est
toujours pas remis à ses proches : un grand-père qui s’était engagé à
servir dans la police israélienne, un père qui depuis 45 ans apprend aux jeunes
à conduire des véhicules, une sœur qui est la doyenne de l’école d’infirmières
au Collège de Ramallah (en Palestine) et deux frères travaillent dans la région
du le golfe persique. B’Tselem, une des ONG israéliennes engagées dans la
défense des droits humains, a assuré aux auteurs des articles de Haaretz que je traduis et résume (1), que
la famille était tout à fait apolitique.
Voilà rapidement décrite la vie et la mort d’un étudiant de 25 ans, qui rêvait
de partir aux Etats-Unis. Il avait d’ailleurs gagné une carte verte dans une des
fameuses loteries organisées par les autorités américaines. Mais le cancer, un
lymphome, l’a retardé dans son départ.
Les journalistes de Haaretz qui
ont écrit l’article ont posé cinq questions au porte-parole de l’armée :
Pourquoi les soldats ont-ils tiré ? Pourquoi la famille ne pouvait-elle
pas visiter le blessé à l’hôpital ? Pourquoi les parents n’ont-ils reçu
aucun rapport circonstancié de son état ? Pourquoi l’armée n’a-t-elle pas
informé les parents de sa mort et des raisons de sa mort ? Pourquoi le
corps n’a-t-il toujours pas été rendu à la famille ? (2).
Réponse du porte-parole de l’armée : « Le 9 novembre 2016,
Mohammed-Amar Jalad a attaqué des soldats avec un aiguiseur de couteaux au
checkpoint de Hawara. L’armée a répondu en ouvrant le feu, et a blessé le
terroriste qui a été évacué à l’hôpital Beilinson ».
Le soldat israélien Elor Azaria a tué de sang-froid un Palestinien qui
gisait, gravement blessé, à terre. Il est condamné à un an et demi de prison
(3), la même peine que celle d’un quelconque palestinien jeteur de pierres,
même si les pierres n’atteignent personne.
Alors, je vous le demande, un Etat, deux Etats, un
millier de petits morceaux ou pas d’Etat ?
(1)
Levy and Alex Levac, Palestinian dies after
being shot by Israeli troops on his way to his last chemo session, Haaretz, February 16, 2017 et Gidéon
Levy, How will you deal with your consciences, doctors ? Haaretz, February 19, 2017.
(2)
Le corps a été rendu aux parents une semaine
après sa mort.
(3)
Gilli Cohen, Shooter Elor Azaria
sentenced to 1.5 years for shooting wounded Palestinian attacker; Haaretz, February 21, 2017. Voir aussi
Uri Avnery, The great rift http://zope.gush-shalom.org/home/en/channels/avnery/1469209537/
Cher Victor,
RépondreSupprimerPourquoi poser une question à choix multiples ? Mon avis est que la réponse est univoque : il ne peut y avoir qu'un seul état après une politique de colonisation méthodique menée par les gouvernements successifs depuis des années. Cela passera par une annexion et un état probable de guerre permanente.
La question à choix binaire est : y aura-t-il un état juif avec des citoyens musulmans de seconde zone ou y aura-t-il un état laic où la religion (ou l'absence de religion) et l'assignation des individus à des communautés ne seront pas constitutif de la citoyenneté ?
C'est à ce choix binaire qu'il faut confronter Israéliens et les soutiens d'Israël.
Jean-Philippe