Pierre Pestieau
Quand j’étais enfant, nous recevions régulièrement un lointain cousin qui
était missionnaire dans ce qu’on appelait alors le Congo Belge, celui de
Tintin. C’était un père blanc qui n’avait pas la bonhomie de celui représente
par Hergé. Il avait une haute idée de son rôle auprès de ceux qu’il décrivait
comme des sauvages païens et incultes, mais heureusement
« convertibles ». Mes parents ne pouvaient refuser de lui acheter
chaque année un affreux calendrier au nom évocateur de « Grands
Lacs » qui sont pourtant très beaux.
Maintenant que je suis « grand », mon regard a changé sur
l’action de ces missionnaires. Comme beaucoup, je la perçois comme paternaliste et ne parviens pas à lui reconnaître de grands mérites.
Depuis plusieurs années, je passe régulièrement un certain temps à la
Banque Mondiale ou au Fonds Monétaire International, qui me font la faveur de
me prêter un bureau pour la durée de mon séjour ce qui me permet de rencontrer
de nombreux économistes qui travaillent sur les pays en voie de développement.
Je pense ainsi à ceux qui étudient l’impact négatif des mariages précoces, la
problématique des réfugiés, l’accès à l’eau potable en Afrique sub-saharienne
ou encore la pauvreté chez les enfants. Outre les études qu’ils mènent, la
plupart passent plusieurs mois par an dans les pays du Tiers Monde à l’occasion
de ce qu’on appelle des missions. Ils ont une vie stressante et il semblerait
que leur espérance de vie serait plus basse que celle de leurs équivalents
travaillant pour l’Etat Fédéral à Washington. Certains de ces
économistes sont extrêmement compétents et le montrent en publiant leurs
travaux dans de bonnes revues scientifiques. Et pourtant à les entendre
m’expliquer l’importance de leur action en particulier et celle plus générale
de l’organisation qui les emploie, je ne peux m’empêcher de penser à ce cousin
père blanc. Comme lui, ils sont habités par la certitude que notre façon de
vivre et de penser est la seule bonne.
Loin de moi l’idée que leur action et leurs
missions soient inutiles, voire nocives. Comme pour l’évangélisation, il y a à
prendre et à laisser. A ma connaissance, il n’existe pas d’études empiriques
permettant de prouver que la Banque Mondiale a eu un rôle déterminant sur la réduction
de la pauvreté et des inégalités ou sur la croissance du revenu dans le monde.
Pas plus qu’il n’existe d’études démontrant le rôle des diverses religions sur
l’épanouissement spirituel des pays endoctrinés.
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