jeudi 1 mars 2018

La Venus de Willendorf est une sculpture pornographique

Victor Ginsburgh

Il fallait s’y attendre. La campagne des « me too » ou des « he too » a fini par, ou commence seulement à faire interdire la présence de ladite Venus de Willendorf sur Facebook. En cause : image pornographique.

En attendant de se retrouver dans les réserves, elle trône en bonne position et avec grande raison au musée d’histoire naturelle de Vienne. Ou pire elle risque le défenestration ou la simple destruction par les nouveaux iconoclastes religieux ou laïques, machos ou féministes. Regardez-la. Il s’agit d’une statuette de 11 cm de haut qui date d’environ 25.000 ans avant J. C. qui représente probablement une déesse de la fertilité. Les êtres humains du Paléolithique étaient décidément moins bégueules que nous ne le sommes, d’autant plus que le mot bégueule signifie « femme manifestant une pruderie affectée », alors que l’on pense que ces petites statuettes étaient, à l’époque, précisément sculptées par des femmes.


La Manchester Art Gallery a, en janvier 2018 remisé dans ses réserves une peinture de l’époque victorienne représentant un jeune éphèbe à moitié dévêtu, entouré de nymphes à moitié dévêtues elles aussi, prétextant que c’était fait « pour susciter la discussion ». Le musée avait pour ce faire laissé une notice à la place du tableau, demandant aux visiteurs de s’exprimer. L’un d’entre eux, facétieux sans doute, a laissé un post-it demandant si la peinture avait été enlevée parce que trop lourde pour être pendue à un clou (1). Personne n’est dupe !

Mais ce n’est pas le premier événement de ce genre et tout cela n’a finalement peut-être rien à voir avec les « me too » et les « he too ». Frédéric Durand-Baïssas, un enseignant français a poursuivi Facebook qui l’avait exclu en 2011 parce qu’il avait mis sur sa page L’Origine du Monde, peint en 1866 par Gustave Courbet, que chacun, y compris les enfants, peut voir au Musée d’Orsay à Paris.

Pas plus que la photographie Piss Christ de l’artiste américain Andres Serrano qui représente un crucifix en plastique plongé dans un liquide jaunâtre, censé être de l’urine, voire la sienne. Cette photographie a fait l’objet de débats et de combats à plusieurs reprises dans le monde. L’archevêque de Melbourne a fait appel à la Cour Suprême de l’Etat de Victoria (Australie) pour qu’elle soit interdite d’exposition à la National Gallery locale, ce qu’il n’a pas obtenu. La photographie a néanmoins été attaquée au marteau et vandalisée dans un musée en Avignon quelques jours après. Serrano qui a été élevé dans une tradition catholique stricte et continue à s’en prévaloir aujourd’hui : « Je suis moi-même chrétien, et plus encore je suis un artiste chrétien. Ma maison est pleine d’œuvres sacrées des XVe et XVIe siècles. Je n’ai rien d’un blasphémateur, et je n’ai aucune sympathie pour le blasphème. C’est tout le contraire de ma nature» (2).

Ce n’est pas l’art qu’il faut accuser d’être pornographique. C’est Erdogan qu’il faut accuser de porc en faisant monter à la tribune d’où il s’exprimait il y a deux jours, une petite fille d’une dizaine d’années en pleurs (hélas habillée en tenue militaire) et en déclarant que « si elle devient martyre [dans un bombardement anti-kurdes en Syrie] elle sera enveloppée dans son drapeau ».
 
Sans oublier les sites pornographiques dont on dit que les enfants de moins de 10 ans représentent 10 pourcent des visiteurs (3). Ce sont
le smart, i-phones et tablettes qu'il faudrait interdire aux enfants!

(1) Mark Brown, Gallery removes naked nymphs painting to ‘prompt conversation’, The Guardian, January 31, 2018.
(2) Vincent Noce, Je n’ai aucune sympathie pour le balsphème, Libération, 18 avril 2011.

(3) RTBF, https://www.rtbf.be/tendance/bien-etre/detail_les-sites-pornographiques-de-plus-en-plus-frequentes-par-des-enfants-de-moins-de-10-ans?id=9424133

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