lundi 18 juin 2018

Chômage. Mais à quel prix


Pierre Pestieau

Depuis de nombreuses années, et de toutes parts, j’entend cette rengaine dès que l’on signale le quasi-plein emploi atteint par l’Allemagne, le Royaume Uni et les Etats Unis: Oui mais à quel prix ? A celui d’une grande pauvreté même dans des ménages de travailleurs.

Loin de moi l’idée que ces “dommages collatéraux” ne sont pas sérieux. On sait par exemple que les “working poors” sont une réalité ; ils sont victimes d’une double peine puisqu’ils travaillent le plus souvent dans des conditions ingrates et malgré cela, ils gagnent moins que le seuil de pauvreté. En outre, ils sont dans bien des cas attirés par les sirènes populistes, convaincus que leurs emplois précaires avec bas salaires résultent de la mondialisation, des Chinois, des Polonais, voire des Martiens.


Cette rengaine, on l’entend surtout quand on se propose de réformer le marché du travail et la politique de l’emploi en introduisant des procédures d’activation et de responsabilisation à la manière des pays nordiques.


On critique tout particulièrement le modèle allemand, en soulignant que le chômage a baissé au prix d’un accroissement des inégalités. Certes mais les inégalités n’y sont pas moins élevées que dans des pays qui connaissent un taux de chômage double de celui de l’Allemagne. D’ailleurs, une enquête récente montre que dans ce pays le sentiment de satisfaction des plus démunis s'est considérablement amélioré durant la dernière décennie, parce que la baisse du chômage offre des perspectives (1). L'amélioration du moral des ménages est très forte, notamment dans le bas de la distribution des revenus. A contrario, le sentiment de frustration et de pessimisme persiste en France. Il est pour partie lié au chômage structurel qui y existe depuis quatre décennies.


En France comme en Belgique, on peut trouver des familles où l’on est chômeur depuis trois générations. Tout mais pas cela.

(1) Enquête sociale européenne :< http://www.europeansocialsurvey.org/docs/findings/ESS1-6_measuring_and_reporting_on_europeans_wellbeing.pdf>



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