Pierre Pestieau
Depuis de nombreuses années, et de toutes parts, j’entend cette rengaine
dès que l’on signale le quasi-plein emploi atteint par l’Allemagne, le Royaume
Uni et les Etats Unis: Oui mais à quel
prix ? A celui d’une grande pauvreté même dans des ménages de travailleurs.
Loin de moi l’idée que ces “dommages collatéraux” ne sont pas sérieux. On
sait par exemple que les “working poors” sont une réalité ; ils sont
victimes d’une double peine puisqu’ils travaillent le plus souvent dans des
conditions ingrates et malgré cela, ils gagnent moins que le seuil de pauvreté.
En outre, ils sont dans bien des cas attirés par les sirènes populistes,
convaincus que leurs emplois précaires avec bas salaires résultent de la
mondialisation, des Chinois, des Polonais, voire des Martiens.
Cette rengaine, on l’entend surtout quand on se propose de réformer le
marché du travail et la politique de l’emploi en introduisant des procédures
d’activation et de responsabilisation à la manière des pays nordiques.
On critique tout particulièrement le modèle allemand, en soulignant que le
chômage a baissé au prix d’un accroissement des inégalités. Certes mais les
inégalités n’y sont pas moins élevées que dans des pays qui connaissent un taux
de chômage double de celui de l’Allemagne. D’ailleurs, une enquête récente
montre que dans ce pays le sentiment de satisfaction des plus démunis s'est
considérablement amélioré durant la dernière décennie, parce que la baisse du
chômage offre des perspectives (1). L'amélioration du moral des ménages est
très forte, notamment dans le bas de la distribution des revenus. A contrario, le sentiment de frustration
et de pessimisme persiste en France. Il est pour partie lié au chômage
structurel qui y existe depuis quatre décennies.
En France comme en Belgique, on peut trouver des familles où l’on est chômeur
depuis trois générations. Tout mais pas cela.
(1) Enquête sociale européenne :< http://www.europeansocialsurvey.org/docs/findings/ESS1-6_measuring_and_reporting_on_europeans_wellbeing.pdf>
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