Victor Ginsburgh
Simone de Beauvoir, théoricienne et chantre du féminisme
dans les années 1970, se retourne dans sa tombe : Même certains oiseaux
chanteurs, dont les bouvreuils, écoutent uniquement la voix de leur père. Ils
forment néanmoins, par la suite chacun avec sa belle, des couples « parfaits »
qui ne se sépareront jamais, ce que n’ont pas fait Simone et Jean-Sol Partre.
Les jeunes bouvreuils mâles apprennent leur chant en
écoutant leur père et l’utilisent pour attirer la femelle avec laquelle ils
partageront leur vie (1). Si le petit mâle n’étudie pas la voix de son père
endéans les 90 premiers jours qui suivent sa naissance, il n’arrivera pas à
chanter correctement, et va droit au désastre, parce qu’aucune femelle ne
voudra de lui.
La petite femelle, par contre, ne chante pas mais écoute
aussi et stocke dans son cerveau la voix de son père. Lorsqu’elle est
courtisée, elle compare la voix du courtisan à celle qu’elle a stockée et juge
si ledit courtisan vaut le coup ... Donc, même si seuls les mâles chantent, ce
sont les femelles qui choisissent. Par contre, et assez curieusement, chez les
couples LGBT (lesbien, gay, bisexuel et transgenre), le son de la voix est de
peu d’importance et ça se complique : les oiselles ne peuvent pas
s’attirer en chantant, puisqu’elles ne chantent pas, mais que font les oiseaux
mâles ?
Ceci n’est ni une plaisanterie, ni de l’anthropomorphisme
d’ailleurs. C’est le résultat découvert par des chercheurs dont Sarah Woolley (2),
qui ont en effet montré que les cerveaux de ces oiseaux convertissent les sons émis
par leurs congénères en messages sociaux et les utilisent pour s’accoupler.
Mais les cerveaux diffèrent entre oiselles et oiseaux.
Les mammifères, y compris ceux qu’on appelle les grands
singes, sont un peu sourdingues aux voix (mais pas nécessairement aux signaux
vocaux) de leurs parents et de leurs congénères. Seuls les humains des quatre
sexes seraient sensibles à la voix, selon Woolley.
Et si l’on inverse un peu la notion d’anthropomorphisme
en ornithomorphisme, et pour autant que les bouvreuils se mettent à faire de la
recherche sur les humains comme les humains en font sur les bouvreuils, ils
pourraient trouver que les demoiselles sont aussi sous le charme de la voix des
mâles. Et conclure que ce serait, in fine,
la femme qui choisit l’homme, ce qui contredit évidemment tous ce que pensent
les machos.
Ouf. Simone de Beauvoir peut vraiment
se remettre en place dans sa tombe.
(1) Joanna Klein, Some Songbirds Have
Brains Specially Designed to Find Mates for Life, The New York Times, February 13, 2018.
(2) Sarah Woolley, Songbirds help us to understand
how listening to speech when you’re young shapes the way you hear and speak for
the rest of your life.
https://www.google.be/search?dcr=0&source=hp&ei=sKuSWvKZFJ3mgAac4aHoDA&q=What+Songbirds+Can+Teach+Us+About+Human+Speech+and+Language&oq=What+Songbirds+Can+Teach+Us+About+Human+Speech+and+Language&gs_l=psy-ab.3..33i160k1.1296.1296.0.2186.2.1.0.0.0.0.117.117.0j1.1.0....0...1.2.64.psy-ab..1.1.116.0...0.WtN-dllh2WU
J'adore
RépondreSupprimerJe teste le système pour Liliane.amitiés Daniel
RépondreSupprimerQuel texte rafraîchissant ,léger et sérieux. La science qui parle d'amour.Des petits oiseaux qui se moquent de Mme de Beauvoir,de son Jean-Sol,et de nos dérives.(Le deuxième sexe est dépassé.)
RépondreSupprimerJe suis sous le charme. Amitiés.Liliane