Pierre Pestieau
L’effet de ruissellement que
les amateurs de globish appellent the trickle down effect se
produirait lorsque les revenus des individus les
plus riches sont réinjectés dans l’économie, soit par le biais de leur consommation, soit par celui de l'investissement. Ils contribuent ainsi, directement ou indirectement,
à l’activité économique générale et à l'emploi dans le reste de la société.
Cet effet est invoqué pour justifier les réductions d'impôt pour les hauts
revenus ; celles-ci auraient un effet bénéfique pour l'économie globale.
Il n’existe pas de tests
empiriques pouvant sérieusement valider cet effet. La croissance des inégalités
au profit du percentile supérieur de la distribution des revenus et de la
richesse ne semble pas avoir eu un effet bénéfique convaincant. La croissance était
bien supérieure durant les trente glorieuses, une époque où les inégalités étaient
moins criantes que durant les 30 piteuses et les années qui ont suivi.
L’effet se vérifie sans nul
doute lorsque l’on définit la pauvreté à partir d’un seuil fixe comme celui de
un ou deux dollars. Dans ce cas, il est clair qu’une croissance associée à un
enrichissement des plus riches peut réduire le taux de pauvreté. C’est ce qui
se passe en Inde et surtout en Chine. Bien entendu si l’on adoptait un seuil de
pauvreté non absolu mais relatif, l’effet serait tout autre.
Les politiques qui se basent
sur ce prétendu effet de ruissellement sont à opposer à celles qui encouragent
la mobilité sociale. Dans le premier cas, on a une société inégalitaire où l’on
compte sur le bon vouloir des nantis pour partager les scories de leur
enrichissement au profit des classes moyennes. On retrouve ce point de vue chez
ceux qui, au regard de la concentration du patrimoine chez les plus âgés,
recommandent que l’on favorise les donations entre vivants au détriment des
legs en fin de vie. Ce faisant, les enfants qui héritent quand ils sont encore
jeunes peuvent consommer ou investir de manière à encourager la demande globale
et la croissance. Les tenants de la mobilité sociale sont au contraire pour une
imposition des transferts intergénérationnels quelque soit leur timing et une
politique éducative proactive afin de permettre à tout un chacun d’avoir des
chances égales.
Par les temps qui courent, la
théorie du ruissellement a la côte même auprès de ceux qui ne bénéficieront
jamais de cette manne céleste. Ce sont les mêmes qui s’opposent à toute
augmentation des droits de succession alors qu’ils seraient les premiers à en
bénéficier. Nous vivons en effet des temps où, non seulement, le parler vrai ne
fait plus recette mais, même le penser juste, se fait rare.
Chers amis, Pierre termine l'année avec un devoir de vacances. Expliquer comment une toute petite minorité (très) fortunée réussit à persuader la grande majorité démunie (disons, infiniment moins bien lotie) que « tout » ira mieux si les pauvres se serrent un peu plus la ceinture et les riches se la desserrent vigoureusement. Cela relève-t-il de la science économique ou de la magie ?
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