lundi 25 juin 2018

Quelques réflexions sur l’effet de ruissellement

Pierre Pestieau

L’effet de ruissellement que les amateurs de globish appellent the trickle down effect  se produirait lorsque les revenus des individus les plus riches sont réinjectés dans l’économie, soit par le biais de leur consommation, soit par celui de l'investissement. Ils contribuent ainsi, directement ou indirectement, à l’activité économique générale et à l'emploi dans le reste de la société. Cet effet est invoqué pour justifier les réductions d'impôt pour les hauts revenus ; celles-ci auraient un effet bénéfique pour l'économie globale.

Il n’existe pas de tests empiriques pouvant sérieusement valider cet effet. La croissance des inégalités au profit du percentile supérieur de la distribution des revenus et de la richesse ne semble pas avoir eu un effet bénéfique convaincant. La croissance était bien supérieure durant les trente glorieuses, une époque où les inégalités étaient moins criantes que durant les 30 piteuses et les années qui ont suivi.


L’effet se vérifie sans nul doute lorsque l’on définit la pauvreté à partir d’un seuil fixe comme celui de un ou deux dollars. Dans ce cas, il est clair qu’une croissance associée à un enrichissement des plus riches peut réduire le taux de pauvreté. C’est ce qui se passe en Inde et surtout en Chine. Bien entendu si l’on adoptait un seuil de pauvreté non absolu mais relatif, l’effet serait tout autre.

Les politiques qui se basent sur ce prétendu effet de ruissellement sont à opposer à celles qui encouragent la mobilité sociale. Dans le premier cas, on a une société inégalitaire où l’on compte sur le bon vouloir des nantis pour partager les scories de leur enrichissement au profit des classes moyennes. On retrouve ce point de vue chez ceux qui, au regard de la concentration du patrimoine chez les plus âgés, recommandent que l’on favorise les donations entre vivants au détriment des legs en fin de vie. Ce faisant, les enfants qui héritent quand ils sont encore jeunes peuvent consommer ou investir de manière à encourager la demande globale et la croissance. Les tenants de la mobilité sociale sont au contraire pour une imposition des transferts intergénérationnels quelque soit leur timing et une politique éducative proactive afin de permettre à tout un chacun d’avoir des chances égales.


Par les temps qui courent, la théorie du ruissellement a la côte même auprès de ceux qui ne bénéficieront jamais de cette manne céleste. Ce sont les mêmes qui s’opposent à toute augmentation des droits de succession alors qu’ils seraient les premiers à en bénéficier. Nous vivons en effet des temps où, non seulement, le parler vrai ne fait plus recette mais, même le penser juste, se fait rare.

1 commentaire:

  1. Chers amis, Pierre termine l'année avec un devoir de vacances. Expliquer comment une toute petite minorité (très) fortunée réussit à persuader la grande majorité démunie (disons, infiniment moins bien lotie) que « tout » ira mieux si les pauvres se serrent un peu plus la ceinture et les riches se la desserrent vigoureusement. Cela relève-t-il de la science économique ou de la magie ?

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